En ces temps de crise économique déclenchée par une crise sanitaire majeure, l'Etat peut-il aller au-delà du sparadrap sur une jambe cassée? La situation étant tellement dure pour les petits commerces qui ont dû fermer, quelle est l'aide réelle que les autorités peuvent apporter?
Philippe Leuba, en direct depuis son bureau dans La Matinale, confirme que la crise économique est majeure: "Dans le canton de Vaud, nous avons constaté que l'urgence absolue sur le plan économique – je laisse volontairement de côté la crise sanitaire qui prime (lire encadré) – est un problème de liquidités. Les petits patrons, les petits indépendants, ne peuvent plus payer leurs charges et les salaires".
Une trésorerie pour le chômage partiel
Le conseiller d'Etat annonce avoir pris des mesures pour accélérer la mise à disposition des indemnités de chômage partiel. En temps normal, il faut deux à trois mois pour que les caisses de chômage les remboursent: "Dans le canton de Vaud, nous allons avancer la trésorerie et au terme de deux semaines, nous pourrons avancer les indemnités nécessaires".
Ainsi, Philippe Leuba affirme que "les salaires de mars seront payés par la trésorerie des entreprises. Les salaires du mois d'avril pourront être payés grâce aux avances que nous ferons".
La mesure sera prise pour l'ensemble des petits patrons: "La trésorerie arrivera d'ici le milieu du mois d'avril, pour payer les salaires d'avril à la fin du mois".
L'Etat pourra-t-il assurer que les salaires d'avril seront payés? "On gère la crise au jour le jour (...) Nous pouvons assurer que le 10, le 15 ou, au pire, le 20 avril, les premières avances seront effectuées lorsque les dossiers seront constitués. Nous avons simplifié à l'extrême la procédure".
Philippe Leuba souhaite que la trésorerie soit avancée après deux semaines, tout en espérant que le service ne soit pas submergé par les demandes: "Nous en avons aujourd'hui environ mille par jour". Pour comparaison, le chômage partiel genevois a déjà reçu 34'000 demandes.
Le conseiller d'Etat souligne que des dizaines de millions vont être avancés. Mercredi, avec ses collègues Nuria Gorrite et Pascal Broulis, il a annoncé vouloir dégager 150 millions, notamment pour les indépendants vaudois, "car beaucoup ne bénéficient pas des RHT, les réductions d'horaire de travail", rappelle-t-il.
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Incohérences, incompréhensions, adaptations
Il y a des incohérences au niveau de l'Etat et une certaine incompréhension dans la population sur qui doit aller travailler, qui doit rester à la maison.
En tant que chef de l'économie, comment justifier l'interdiction de regroupements de cinq à dix personnes et qu'on laisse des gens travailler par dizaines ou plus dans de grandes entreprises? "Hier soir, ma collègue Rebecca Ruiz m'a demandé de prendre une décision permettant aux Blanchisseries Générales, l'entreprise qui nettoie le linge du CHUV, de pouvoir continuer à travailler. Je rends cette décision ce matin, parce que le CHUV a tout simplement besoin de draps propres pour ses malades. Donc il faut faire une exception pour les blanchisseries... vous avez une multitude d'exceptions! Une multitude de situations qui nécessitent d'être adaptées à la réalité de la vie. Par exemple, les poubelles doivent continuer d'être ramassées: il faut donc des exceptions au confinement ou à l'interdiction totale que certains – probablement sans tout à fait peser la portée de leurs propos – réclament".
Philippe Leuba souligne la difficulté de discerner ce qui est nécessaire de ce qui est accessoire: "Le droit fédéral prime en la matière: lorsque les mesures de sécurité sanitaire ne peuvent pas être respectées, l'employeur a l'obligation de mettre un terme à l'activité économique concernée".
Il insiste sur le fait que des procédures de contrôle sont prévues, tout comme des amendes significatives pour ceux qui ne respecteraient pas les règles.
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"Donner une espérance économique"
Philippe Leuba dit avoir rencontré mardi les patrons et les syndicats, tous les acteurs de l'économie: "Ils ont le souci de protéger leurs collaboratrices et collaborateurs, le souci de permettre à l'économie de passer cette situation sanitaire extrêmement grave le plus vite possible".
Le conseiller d'Etat PLR parle de "collapse de l'économie européenne". Pour lui, il faut "donner une espérance économique à l'ensemble de nos concitoyens".
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Interview radio: David Berger
Adaptation web: Stéphanie Jaquet
Retour sur des propos controversés
Lors de sa dernière intervention au 19h30 de la RTS, le 4 mars, Philippe Leuba déclarait: "On est en train de déclencher une crise économique de manière irréfléchie". Le conseiller d'Etat vaudois dénonçait une "psychose généralisée". Il parlait aussi d'une maladie "qui se soigne en 4-5 jours avec une prise de Dafalgan comme n'importe quelle grippe". Quelques-uns ont salués ses propos, mais d'autres ont été surpris, voire choqués par ces derniers. Interrogé sur cet épisode et d’éventuels regrets, Philippe Leuba répond qu’il ne veut pas "se consacrer à de vaines polémiques".
"Cette crise a amené les uns et les autres – autorités politiques, autorités sanitaires et les médias, même – à beaucoup d'humilité. Nous n'avons jamais traversé une crise de cette nature-là. Nous apprenons chaque jour. (...) Il s'agit dans un premier temps de prendre des mesures qui permettront à nos concitoyens de surmonter cette crise sanitaire", souligne-t-il.