Publié

Plusieurs cas de harcèlement sexuel au sein des études d’avocats vaudoises

Un sondage réalisé auprès des avocats vaudois montre que le harcèlement sexuel dans les études d'avocats est une réalité.
Un sondage réalisé auprès des avocats vaudois montre que le harcèlement sexuel dans les études d'avocats est une réalité. / 19h30 / 2 min. / le 5 mai 2020
Un sondage réalisé auprès d’avocats vaudois révèle que le harcèlement sexuel dans cette profession, notamment sur le lieu de travail, "existe bel et bien et n’est pas anecdotique". Des mesures ont été prises pour libérer la parole des victimes, a appris la RTS.

Ce sont les deux chiffres-clés du sondage: 29% des personnes qui ont répondu au questionnaire en ligne affirment avoir vécu des cas de harcèlement sexuel, en avoir été témoin ou informé et 11% des participants disent être des victimes directes.

Ce sondage s’adressait aux avocats et aux avocats-stagiaires vaudois ainsi qu’au personnel administratif. Mis sur pied par l’Ordre des avocats vaudois, le Jeune barreau vaudois et Avocates à la barre (Alba), il a été réalisé entre avril et mai 2019 et envoyé à quelque 1200 personnes.

>> Le détail de ce sondage sur la page du Jeune barreau vaudois

Les enseignements du sondage

Un peu plus de 400 réponses ont été récoltées et ce sont majoritairement des femmes (60%) qui ont répondu. On peut tirer plusieurs enseignements de ce sondage dévoilé il y a quelques jours, le 30 avril:

  • La moitié des faits de harcèlement sexuel décrits remontent à moins de deux ans.

  • Les victimes sont presque toujours des femmes (94%), principalement des avocates stagiaires âgées de moins de 30 ans.

  • L’auteur est dans la majeure partie des cas un avocat indépendant âgé de plus de 46 ans. Le scénario type: il est le supérieur hiérarchique ou le maître de stage de la victime.

  • Les faits dénoncés se passent surtout à l’étude et en présence de tiers. Ils se déroulent de manière répétée, ce ne sont donc pas des cas uniques.

  • La victime, le plus souvent, ne réagit pas, c’est-à-dire qu’elle ne dit rien à l’auteur.

  • La crainte de représailles professionnelles, de ne pas être pris au sérieux ou des conséquences sur sa propre réputation professionnelle sont les trois principaux freins à une réaction de la victime.

"Quels sous-vêtements portez-vous?"

Dans leur synthèse et analyse des résultats, les trois associations qui ont organisé le sondage donnent plusieurs exemples de propos rapportés: "L’impair à ne pas commettre durant son stage? Mettre les dents pendant la fellation", "Votre blouse pourrait être plus transparente", "Tu m’envoies une photo de ton cul", "Alors, quels sous-vêtements vous portez aujourd’hui?", "La sodomie, tu aimes?"

Il y a aussi des exemples de comportements rapportés: "Il m’invite au restaurant et me donne de petits surnoms", "Je lui ai dit que je ne voulais rien avec elle. Elle a essayé de m’embrasser et m’a envoyé des lettres enflammées", "Il met sa main sur mes épaules, me caresse le bras, laisse glisser sa main le long de mes cheveux".

Il faut préciser que l’Ordre des avocats vaudois, le Jeune barreau et Avocates à la barre n’ont pas mis ce sondage sous le tapis. Ils ont joué la carte de la transparence. Le Jeune barreau vaudois l’a ainsi même mis en ligne sur son site sous un onglet nommé "Metoo".

Personnes de confiance

Il ressort aussi du sondage que les victimes auraient souhaité "un lieu d’écoute ou une personne de référence soumise à une obligation de confidentialité". Quatre mesures ont ainsi été prises et déjà mises en œuvre dans l’idée de mieux lutter contre le harcèlement sexuel au sein de la profession.

  •  L’ordre des avocats vaudois, le Jeune barreau et Avocates à la barre ont désigné des personnes de confiance dans leur association, à savoir six avocates et deux avocats. Concrètement, une victime peut désormais prendre contact avec une personne de confiance qui l’écoutera et pourrait l’accompagner dans d’éventuelles démarches confraternelles ou l’informer sur les démarches juridiques envisageables. La personne de confiance est soumise à un devoir de confidentialité. Cette mesure phare permet aux victimes d’avoir un lieu d’écoute et pourrait contribuer à la libération de la parole.

  • Chaque mois, les stagiaires-avocats ont deux heures de formation sur un thème concret du droit. Désormais, une fois par an, la thématique sera le harcèlement sexuel vu du côté pénal ou du côté droit du travail avec l’intervention du Bureau de l’égalité entre les femmes et les hommes. Le premier cours a eu lieu en mars.

  • Un flyer de quatre pages et intitulé "Luttons contre le harcèlement sexuel" a été réalisé par les trois associations. Il résume les principaux constats du sondage et rappelle les différentes possibilités de soutien qui existent. Chaque membre recevra ce dépliant.

  • L’Ordre des avocats vaudois a adopté une recommandation "Intégrité personnelle au travail" qui est entrée en vigueur le 30 avril. Ce texte de quatre pages paraphé par le Bâtonnier Nicolas Gillard indique notamment que "l’avocat employeur est tenu de prendre les mesures nécessaires pour garantir la protection de l’intégrité personnelle de ses employés".

Fabiano Citroni/boi

Publié

Pourquoi réaliser un sondage?

Présidente du Jeune barreau vaudois, Me Aurélie Cornamusaz explique avoir assisté à l’assemblée générale d’Avocates à la barre (Alba), à Lausanne, il y a plus d’un an.

Lors de cette assemblée, une avocate parisienne avait évoqué la question du harcèlement sexuel et expliqué ce qui a été mis en place au Barreau de Paris.

Un mois après cette assemblée, lors d’une rencontre internationale d’avocats à Paris, Me Cornamusaz et d’autres membres du Jeune barreau vaudois ont pris conscience que des mesures de lutte contre le harcèlement sexuel avaient été prises dans plusieurs pays. Ils ont alors pris la décision de lancer une étude dans le canton de Vaud.