"Les banques qui ont octroyé les crédits Covid ont procédé à des vérifications. Elles ont mis à jour des éléments douteux, dont elles ont informé le Bureau de communication en matière de blanchiment d'argent de l'Office fédéral de la police. Ce dernier a procédé à des vérifications. Comme il n'a pas pu lever le doute, il a averti le Ministère public vaudois, qui a été saisi de l'affaire", a expliqué lundi le procureur Anton Rüsch.
Mardi dernier, le Parquet a lancé une vaste opération tendant à interpeller "plusieurs" individus. Les locaux de "plusieurs" entreprises ont été perquisitionnés. "Plusieurs types de sociétés sont concernées, plutôt des PME", a ajouté le procureur, sans donner davantage de précisions, secret de l'instruction oblige.
"Scandaleux", réagit Philippe Leuba
Interrogé lundi soir dans Forum, le conseiller d'État vaudois en charge de l'économie Philippe Leuba s'est dit "choqué" du comportement de ces entreprises. Il ne s'explique pas que ces cas concernent particulièrement le canton de Vaud.
"C'était probablement inévitable", estime-t-il cependant. Le but était de "sauver des emplois en mettant des liquidités rapidement pour payer des salaires, donc il y avait un risque évident". "Mais c'est d'autant plus scandaleux" tonne-t-il.
Plusieurs millions en jeu
De nombreux comptes ont été bloqués. Les auteurs présumés sont des ressortissants suisses, originaires de Turquie. Ils sont suspectés d'avoir obtenu des aides totales de plusieurs millions de francs auprès de diverses banques sur la base de déclarations mensongères.
Il leur est reproché d'avoir induit les banques en erreur sur les chiffres d'affaires réalisés par les entreprises en profitant des contrôles limités prévus par le système en place. Ils auraient également employé les fonds prêtés à d'autres fins que pour les besoins courants de leurs entreprises.
Le mécanisme des auteurs présumés "consiste à adresser une demande à la banque partenaire de l'entreprise, de solliciter un prêt. Celui-ci est octroyé sur la base du chiffre d'affaires annuel. Le montant du crédit est une fraction de ce chiffre, c'est-à-dire 10%. Cet argent doit servir à pallier les besoins courants en liquidité de l'entreprise", a expliqué le procureur Anton Rüsch dans le 12h45.
"Il s'agit de vérifier que les informations qui ont été livrées aux banques pour obtenir ce crédit soient vraies, qu'il n'y a pas eu tricherie."
A l'étranger
"Il se pourrait que ces crédits n'aient pas été employés pour les besoins de l'entreprise en liquidités", explique le magistrat. Plus d'un million et demi de francs ont été transférés à l'étranger. "On suspecte qu'ils ont été utilisés à tout autre chose", ajoute Anton Rüsch.
Des mesures ont été prises afin de permettre le rapatriement de ces fonds. "Il faudra trouver les moyens adéquats et les plus rapides possible", explique le procureur. L'arnaque concerne "essentiellement le canton de Vaud". Le magistrat "n'a pas connaissance", à ce stade, de fraude plus importante en Suisse. Mais "on parle de soupçon, d'éléments douteux", insiste-t-il.
L'enquête se poursuit. Une instruction a été ouverte pour escroquerie, abus de confiance, gestion déloyale aggravée, faux dans les titres, blanchiment d'argent et contravention à l'ordonnance sur les cautionnements solidaires liés au Covid-19.
ats/jpr