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Pourquoi le meurtrier présumé de Morges était en liberté et logé à l’hôtel

Le parcours du meurtrier présumé de Morges continue d’interroger
Le parcours du meurtrier présumé de Morges continue d’interroger / Forum / 3 min. / le 17 septembre 2020
Le jeune islamiste vaudois Omer A. a fini par poignarder un passant alors qu’il était étroitement surveillé. Mais il n’était pas coopératif et aurait dû être placé dans un établissement médico-social plus adapté à son profil de radicalisé et de déséquilibré. Une nouvelle expertise psychiatrique était aussi prévue.

Depuis samedi dernier, c’est la stupeur. Pour la première fois en Suisse, un homme a tué au nom d’Allah. Il était un peu plus de 21h quand Omer A., 26 ans, a sauvagement poignardé Joao, 29 ans, en pleine rue, à Morges (VD).

Il a vraisemblablement frappé au hasard. Et, comme l’a révélé mercredi la RTS, il a revendiqué son crime en disant avoir voulu "venger le Prophète".

Comment ce jeune radicalisé a-t-il pu frapper, alors qu’il était soumis à des mesures médicales et sécuritaires strictes?  Que s’est-il réellement passé entre le 13 juillet, date de sa sortie de prison préventive, et le 12 septembre, date de son passage à l’acte? Voilà ce qu’il est possible de reconstituer tant sur la base des sources fédérales que vaudoises, qui toutes demandent de rester anonymes.

>> Lire aussi : Le suspect de Morges a avoué et dit avoir agi pour "venger le Prophète"

Une détention préventive de 1 ans et 4 mois

Omer A, résident vaudois sans emploi issu d’une famille turco-suisse de Prilly (VD), est classé depuis 2017 comme un danger pour la sécurité intérieure et extérieure de la Suisse, selon une note du Service de renseignement de la Confédération. Il est arrêté en avril 2019 pour incendie intentionnel en ayant tenté vainement de faire exploser la station d’essence de son quartier dans l’Ouest lausannois.

L'homme a été mis en prison préventive pour ce délit ainsi que pour diffusion de vidéos djihadistes, contacts avec des radicalisés, dont un parti rejoindre le groupe Etat islamique en Syrie, et quelques autres délits entrant dans le spectre du soutien à des groupes terroristes. Avec ce pedigree, il a pu être maintenu pendant un an et quatre mois en prison préventive.

Une expertise psychiatrique favorable

En prison, il se serait montré peu coopératif, solitaire et tenant des propos sur le Coran et la lutte anti-terroriste. Ce printemps, il a fallu toutefois se résoudre à le relâcher dans la nature.

Les charges retenues contre lui ne justifiaient pas de prolonger indéfiniment la prison préventive. De plus, la procureure fédérale Juliette Noto, en charge du terrorisme et de ce dossier, disposait d’une expertise psychiatrique de 2019 favorable au prévenu.

Elle prônait un accompagnement en liberté plutôt qu’une mesure d’internement en milieu psychiatrique fermé. Il a donc fallu préparer la sortie de prison en concertation avec les autorités vaudoises. Un lourd panel de mesures dites de substitution a été arrêté, avec notamment couvre-feu, suivi médico-social multiple, prise de médicaments, pointages au poste de police.

>> Un meurtre qui soulève beaucoup de question. Les précisions du 19h30 :

Le meurtre de Morges repose la question des expertises psychiatriques et du suivi des détenus libérés.
Le meurtre de Morges repose la question des expertises psychiatriques et du suivi des détenus libérés. / 19h30 / 1 min. / le 17 septembre 2020

Le choix de l'hôtel reste inexpliqué

La question de l’hébergement, elle, n’a visiblement pas été clairement réglée dans le dispositif validé par le Tribunal des mesures de contrainte du canton de Berne à la demande de la procureure Noto.

Il est juste fait mention d’une "chambre" qui devra être mise à disposition par les services compétents. Mais alors pourquoi avoir choisi la solution de l’hôtel plutôt qu’immédiatement un milieu psychiatrisé et surveillé, au vu de la santé mentale problématique du jeune Vaudois? Tant le Ministère public de la Confédération que les autorités vaudoises disent ne pas pouvoir répondre en raison de l’instruction pénale en cours.

La RTS est toutefois parvenue à établir que la police vaudoise et la procureure fédérale sont rapidement tombés d’accord pour estimer que la solution de la chambre d’hôtel n’était pas adaptée. L’état psychique du prévenu s’est dégradé dès sa sortie de prison et il s’est montré peu coopératif dans son suivi. Apparemment, cette mauvaise volonté n’a pas été considérée comme une violation des règles, ce qui aurait valu à Omer A. un retour immédiat en prison.

Une deuxième expertise psychiatrique était prévue

La police vaudoise a toutefois averti la procureure fédérale du problème et c’est ainsi qu’il a été convenu de placer le prévenu dans un établissement médico-social. Selon nos informations, la procureure Noto a validé cette demande dans un mail daté du 19 août.

Mais la recherche d’une place a pris du temps et certains foyers d’accueil ont pu craindre d’héberger un homme radicalisé et déséquilibré. Rien n’a donc changé jusqu’au soir du meurtre, le 12 septembre. En parallèle, selon nos informations, la procureure fédérale a entrepris de demander une nouvelle expertise psychiatrique pour éventuellement justifier et faciliter un internement en milieu fermé. Cette ultime précaution restera vaine, puisque désormais Omer A. est en prison et pour longtemps certainement.

>> L'arsenal législatif anti-terrorisme est-il adapté? Débat entre Léonore Porchet, conseillère nationale (Les Verts/VD), et Philippe Bauer, conseiller aux Etats (PLR/NE) :

L'arsenal législatif anti-terrorisme est-il adapté? Débat entre Léonore Porchet et Philippe Bauer
L'arsenal législatif anti-terrorisme est-il adapté? Débat entre Léonore Porchet et Philippe Bauer / Forum / 9 min. / le 17 septembre 2020

Ludovic Rocchi/ther

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