"Le vendredi 6 novembre, les entrées pour les opérations électives non urgentes étaient encore planifiées. Les salles d’opérations fonctionnaient au complet. Les équipes de soignants aussi", témoigne une soignante s’exprimant sous le couvert de l’anonymat. Lors de la première vague l'hôpital de Morges avait réduit ses activités opératoires de quelque 60%.
Pourtant, le 27 octobre, le Département vaudois de la santé annonçait la concentration des moyens sur les soins intensifs et le report des interventions électives non urgentes, tant au CHUV que dans les établissements de la Fédération des hôpitaux vaudoise, dont faire partie l’hôpital de Morges.
Dans un courriel adressé à la RTS, le Département précise : "les opérations non urgentes sont possibles mais uniquement en ambulatoire et si elles ne mobilisent pas des ressources (personnel et infrastructures) nécessaires à la prise en charge des patients gravement atteints par le covid".
Prise en charge assurée, répond l'hôpital
L’hôpital de Morges réagit dans un courriel: "L’Ensemble hospitalier de la Côte (ndlr: l’entité globale avec ses différentes antennes) est en pleine capacité de prendre en charge et de répondre aux besoins de tous les patients Covid-19 qui comptent sur nous. Nous avons, en effet, organisé et aménagé des unités spécifiques qui nous permettent d'accueillir près de 130 patients Covid-19 dont 19 aux soins intensifs et soins continus."
Mais à l’interne, le fait de maintenir, dans le même temps, une activité opératoire à pleine capacité interpelle. "Il n'y a pas d'explications", témoigne la même soignante. "Nous, on a demandé à nos chefs pourquoi les opérations continuaient. On nous a dit que pour l’instant personne n'avait reçu comme directive d’arrêter les opérations".
L’hôpital de Morges précise dans le même e-mail : "L'Hôpital de Morges, à l’instar des autres institutions sanitaires du canton de Vaud, a réduit son activité opératoire mais a maintenu les consultations et actes ambulatoires ainsi que les opérations qui ne pouvaient pas être différées sans conséquences pour le patient." L’hôpital dit également accueillir des chirurgiens du CHUV qui ne peuvent plus opérer dans les blocs opératoires de l'Hôpital universitaire, faute de place.
Gros enjeu financier
L’enjeu est financier. Les interventions électives sont celles qui rapportent le plus à un hôpital et celui de Morges estime déjà ses pertes à 7,5 millions de francs pour 2020, en raison de l'interdiction des interventions non urgentes par le Conseil fédéral lors de la première vague. Un plan d’économie a été mis en œuvre dans la foulée.
>> Lire aussi : Hôpitaux et cliniques n'ont pour l'instant pas rattrapé leurs pertes
"La pression budgétaire sur les hôpitaux est considérable pour qu'ils gardent une activité. C’est comme une entreprise industrielle ", reconnaît Philippe Saegesser, président du groupement des médecins hospitaliers à la Société vaudoise de médecine. Et de poursuivre : "l’équilibre budgétaire de l’hôpital ne peut pas être uniquement compensé par les impôts et des subventions de l’Etat".
Selon lui, le maintien de l’activité opératoire ne menace pas les prises en charge de patients Covid. Mais cette activité mobilise des lits de soins intensifs et du personnel. Et en période de surcharge, alors que tous les hôpitaux sont appelés à coordonner leurs efforts, cela fait débat.
Surprise de la ministre de la santé
De son côté, la conseillère d'Etat en charge de la Santé, Rebecca Ruiz, ne cache pas son étonnement face à ces révélations. "Je n'ai pas d'information sur ce qui s'est passé ces dernières semaines", assure-t-elle dans le 19h30. "Mais ce que je sais, c'est que l'hôpital de Morges joue son rôle comme tous les hôpitaux du canton".
La ministre vaudoise semble d'autant plus surprise que, selon elle, le gouvernement a toujours assuré aux hôpitaux du canton son soutien. "Au mois de juin, on a réagi très rapidement en débloquant 160 millions de francs pour aider les hôpitaux à faire face au manque d'activités lié à la première vague. Et on leur a aussi toujours dit qu'on verrait à la fin de l'année quelle serait leur situation financière. Et que si les 160 millions n'étaient pas suffisants, on aviserait à ce moment-là".
Claude-Olivier Volluz