Modifié

Le procureur requiert l'acquittement pour le policier jugé pour meurtre

Le procureur a requis l'acquittement pour le policier jugé pour meurtre à Renens (VD). [KEYSTONE - Salvatore Di Nolfi]
Dernier jour pour le procès du policier accusé de meurtre à Bex / Le 12h30 / 1 min. / le 24 mars 2021
Le Ministère public vaudois a requis mercredi l'acquittement du policier qui a abattu un jeune Congolais armé d'un couteau à Bex en 2016. Selon le procureur, tous les éléments de la légitime défense sont fondés.

Le policier a fait face à une "attaque illicite, immédiate, sérieuse, menaçant l'intégrité, la vie, du policier", a justifié le procureur Eric Mermoud.

Le prévenu, agent de la police du Chablais âgé de 52 ans, alors caporal, doit répondre de meurtre, chef d'accusation passible de cinq ans de prison au moins. Les juges de la cour criminelle du Tribunal d'arrondissement de l'Est vaudois, délocalisée à Renens, doivent déterminer s'il y a eu légitime défense ou geste disproportionné du policier.

Légitime défense

Au deuxième et dernier jour du procès, après plus d'une heure de réquisitoire, le procureur Eric Mermoud a annoncé qu'il abandonnait les charges contre ce policier et qu'il réclamait donc l'acquittement au nom de la légitime défense sur la base de l'article 15 du Code pénal.

Le représentant du Parquet a estimé qu'il était fondé de faire usage de son arme face à la gravité et l'immédiateté de l'attaque, fondé aussi de tirer, même trois coups de suite. La proportionnalité de la réaction du policier est établie, selon Eric Mermoud. "Il a eu très peu de temps pour réfléchir et prendre sa décision", a-t-il dit.

Risque d'un coup de couteau

Le caporal n'était pas à l'abri d'un coup de couteau au visage, au cou ou au bas du ventre, selon lui. Il a aussi estimé que l'agent n'était pas en mesure de désarmer l'homme, courant dans sa direction un couteau à pain à la main et dans un état second.

Eric Mermoud a d'ailleurs rappelé que l'autopsie du corps avait révélé la présence de MDMA (ecstasy) dans le sang, une drogue qui altère généralement l'état de conscience. Il est aussi revenu sur l'état de l'appartement du jeune père de famille africain: "tout retourné", en désordre et avec des traces de sang à la cuisine et dans la salle de bain.

Accusé de mentir

Au contraire, dans sa plaidoirie, l'avocat de la famille du jeune homme, Ludivic Tirelli, a estimé que le policer avait le choix. "Sa réaction a été excessive et disproportionnée. Elle doit être sanctionnée", a-t-il affirmé. Pour lui, la légitime défense consiste à repousser une attaque par des moyens proportionnés.

Il a contesté le déroulement des faits, notamment la distance entre le policer et Hervé au moment des tirs et donc l'imminence de l'attaque. Il a aussi remis en question la rapidité des trois tirs, pas possible en seulement une ou deux secondes. "La version du policier n'est pas conforme à la réalité", a-t-il avancé, l'accusant même de mentir.

Alternatives possibles?

Ludivic Tirelli a en outre insisté sur les alternatives possibles pour le policier, dépeint comme "un sportif, un colosse": fuir, utiliser le bâton tactique, le spray au poivre ou les techniques d'auto-défense pour ensuite désarmer l'assaillant. Il a également rappelé qu'un premier policier avait dans un premier temps pris la fuite pour se réfugier chez un voisin, face à la première menace de l'homme, courant aussi vers lui avec le couteau à la main

Il a encore évoqué un autre fait pour illustrer le manque de proportionnalité dans la réaction de la police: "Menotter un mourant, c'est faire preuve d'un manque d'appréciation cruelle".

"Pas un shérif surexcité"

De son côté, l'avocate de la défense, Odile Pelet, a jugé "honteuses et graves" les accusations de mensonge de la partie plaignante, avant de revenir sur la "situation de dernier recours" du caporal - une question de "fraction de seconde" - et de plaider la "légitime défense dans le strict respect de la proportionnalité".

"On ne pourra jamais vivre et imaginer cette urgence" de réaction et prise de décision, a-t-elle dit. Il ne s'agit pas d'un "shérif surexcité". "Pour juger, il faut se mettre à la place" du policier faisant "face à un homme qui lui fonce dessus avec un couteau", a-t-elle insisté, parlant de "tir réflexe".

Profondément perturbé

L'avocate du policier est sinon aussi revenue sur l'état "profondément perturbé" du jeune homme ce soir-là. Elle a affirmé qu'il consommait régulièrement de l'alcool et notamment de l'absinthe, ce qui peut provoquer des lésions au cerveau.

S'agissant du studio retrouvé dans un état "apocalyptique", elle a souligné que c'était typique d'appartements de personnes atteintes dans leur santé psychique. "Le Hervé du 6 novembre n'est pas le Hervé que connaît sa famille", a résumé Odile Pelet. "Oui, ce jour-là, il était dans un état capable d'attaquer un policier".

Le verdict sera rendu mercredi 31 mars à 11h00.

ats/jpr

Publié Modifié