Un professeur et cinq élèves dans une salle d'anatomie du CHUV. Six personnes penchées sur un corps, pour un cours un peu spécial: une formation aux actes de soins funéraires. Il y est question d'éthique, de droit du cadavre et de risques professionnels.
Le responsable de la formation rappelle par exemple certains réflexes élémentaires de protection lorsqu'on manipule un corps: porter une blouse, des gants et des lunettes, "parce qu'il arrive qu'il y ait de petites projections, notamment si la personne défunte a eu une mort traumatique, comportant des blessures".
Cela apparaît comme des notions de base. Ces cinq élèves ont pourtant des années d'expérience derrière elles en tant que personnes professionnelles des pompes funèbres. Mais l'expérience ne remplace pas forcément la formation: sans elle, les façons de faire peuvent parfois être très approximatives.
La gestion des déchets est par exemple un autre point abordé: que faire d'un pansement ou d'un pacemaker retirés d'un corps? Des gants que l'on a utilisé pour le manipuler? Dans la pratique usuelle – et de l'aveu de certaines personnes de la profession – ces déchets médicaux finissent souvent dans les poubelles traditionnelles, alors qu'ils doivent être éliminés autrement.
Théorie et pratique
La formation offre des connaissances théoriques mais aussi pratiques, grâce à des exercices d'anatomie sur un corps donné à la science. Au programme de l'après-midi, notamment, apprentissage des différentes sutures, massage du corps pour gérer la rigidité cadavérique, maquillage pour le rendre présentable.
Cette journée de formation est payante – un peu plus de 1150 francs pour les membres de l'Association suisse des soins funéraires, 1450 francs pour les autres – et sur base volontaire. Son but est de tenter d'homogénéiser les pratiques inter et intra-cantonales et, surtout, de garantir une qualité des soins mortuaires: "On est au XXIe siècle et pourtant on prend soin de nos défunts comme au Moyen-Âge", note Vincent Varlet, responsable du Swiss Human Institute of Forensic Taphonomy. "Certains ont une très bonne expérience et ont toujours très bien agi de manière intuitive. Mais, pour d'autres, ce n'est pas du tout le cas: on a parfois des atteintes à la paix des morts, des mauvaises prestations, des escroqueries", ajoute-t-il.
Un domaine peu réglementé
En Suisse, les métiers relatifs au domaine funéraire sont très peu réglementés. Il existe un brevet fédéral d'entrepreneur ou d'entrepreneuse en pompes funèbres, mais il se focalise sur la gestion d'entreprise essentiellement et, surtout, il ne possède aucun caractère obligatoire. Dans les faits, n'importe qui ou presque, avec un casier judiciaire vierge, peut devenir croque-mort. Par ailleurs, en Suisse romande, seuls les cantons de Vaud et Fribourg soumettent l'activité des pompes funèbres à autorisation.
Danielle Voisard tient une entreprise familiale de pompes funèbres depuis vingt-trois ans à Delémont. Pourtant aujourd'hui, ici, elle réapprend un peu son métier: "On a appris sur le tas et il n'y a pas eu une formation de base", explique-t-elle. "C'est très important qu'on ait une bonne connaissance de l'anatomie, de la pratiques des soins, pour s'occuper avec respect des défunts".
Cette journée de formation est un début timide mais permet de viser un meilleur encadrement des pratiques mortuaires. L'Association suisse des services funéraires réfléchit à la rendre obligatoire à l'avenir, pour garantir à chaque famille d'une personne défunte la prise en charge la plus digne possible.
Reportage télévisé: Flore Amos
Adaptation web: Stéphanie Jaquet