Depuis près de 30 ans, l’École-atelier Rudra Béjart à Lausanne est synonyme d'excellence et de prestige sur la scène internationale dans le monde de la danse. Elle forme chaque année une quarantaine d’élèves du monde entier, âgées de 16 à 20 ans.
Mais elle est secouée ces derniers jours par une véritable tempête, après qu'un audit a révélé des abus de pouvoir, du népotisme et de graves dysfonctionnements pédagogiques. Mené par un avocat et à un ancien juge cantonal, il met en cause le directeur et sa femme, régisseuse, deux figures incontournables de l'institution. L'école a annoncé la suspension de ses cours dès juillet et pour une année au moins.
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Interrogée dans le 19h30, la présidente du conseil de Fondation de l'école, Solange Peters, lève le voile sur certains faits révélés dans cet audit. "Par exemple, l'une des élèves a décrit une situation où elle s'est trouvée au milieu d'un cercle d'élèves et de professeurs, humiliée et rabaissée", explique-t-elle. Un professeur cité dans le rapport compare cela à "un lynchage, comme au Moyen-âge".
Des contrats signés pour cultiver le secret
En outre, de nombreux témoignages d'élèves récoltés par la RTS, la plupart anonymes, accablent le directeur. Ils évoquent des faits de maltraitance psychologique, de tyrannie et de surentraînement. L'une des rares élèves à témoigner ouvertement dans le 19h30 évoque la pression ressentie face à une "personnalité affirmée et intimidante, que l'on avait pas envie de décevoir".
La fondation Maurice Béjart avait déjà averti le directeur il y a plusieurs années. Aujourd'hui, l’audit révèle que l’homme avait mis en place une loi du silence institutionnelle. "On a découvert une culture du secret", confirme Solange Peters, "il faisait signer aux élèves et à leur famille une obligation de ne jamais s'adresser à la fondation, et de ne s'adresser qu'à lui".
À l’heure actuelle, le directeur de l’école reste injoignable. De son côté, la Fondation a promis de tout mettre en œuvre pour reconstruire et rouvrir l’institution d’ici un an.
Reportage et enquête: Hugues Buchard, Jessica Renaud
Texte web: Pierrik Jordan
Une fabrique d'excellence qui déraille
L'enquête interne fait état de multiples difficultés relationnelles dans l'école, et d'une ambiance qui s'est dégradée après le décès de Maurice Béjart. Plusieurs danseurs et danseuses parlent d’une usine dans laquelle la personne n’est pas prise en compte, et d'une école qui "a continué avec une vieille philosophie".
L’école vise l’excellence avec à la clé un enseignement de six jours sur sept, avec 10 heures d'entraînement quotidien.
Selon des témoignages récoltés par la RTS, il fallait être là tout le temps et les absences pour maladie étaient très mal vues. Certains élèves se sont entraînés même blessés et un danseur a témoigné qu’il avait dû arrêter l’école après avoir dansé malgré une fracture de fatigue.