Grégoire Junod: "Cette affaire Rudra Béjart doit nous inciter à faire des enquêtes plus globales"
Selon les recherches de la RTS, la compagnie Béjart Ballet est aussi en proie à de possibles mauvais traitements. Humiliations, menaces et consommation de drogues seraient fréquents, selon plusieurs témoignages récoltés.
Le Conseil de fondation serait bien inspiré de lancer un audit aussi sur la compagnie Béjart Ballet Lausanne et sur les pratiques de son directeur Gil Roman, souligne-t-on.
Vendredi passé, un audit interne sur l'école Rudra Béjart a livré son verdict sans appel: il fait état de "méthodes humaines et pédagogiques inacceptables", d'élèves humiliées, de comportements tyranniques et de culture du secret. Le directeur Michel Gascard et sa femme, régisseuse, ont été licenciés, et l'école va chercher à mettre en place une nouvelle structure "plus proche de l'esprit de Maurice Béjart", a expliqué le Conseil de fondation, qui chapeaute l'école Rudra et la compagnie du Béjart Ballet.
>> Lire également : L'audit mené à l'école Rudra Béjart révèle une véritable culture du secret
Mais, dans le monde de la danse, mettre en place une nouvelle école de ce niveau suscite un certain scepticisme. Rares sont celles et ceux à croire que l'école pourra à nouveau attirer du monde après un tel dégât d'image. En outre, beaucoup d'acteurs et d'actrices du milieu expliquent que les liens entre l’école et le Béjart Ballet étaient déjà conflictuels depuis la mort de Maurice Béjart.
Rapport dégradé entre l'école et la compagnie
Une forme de "guerre de succession" entre le directeur artistique de la compagnie Gil Roman et le directeur de l'école Michel Gascard s'est alors mise en place, au point que le second nommé interdisait parfois à ses jeunes danseurs d'auditionner auprès du Béjart Ballet. Un comble, alors que Maurice Béjart avait créé l’école comme pépinière de relève pour la compagnie.
Vice-président du Conseil de fondation, le syndic de Lausanne Grégoire Junod confirme que l'école n'était plus le principal lieu où le ballet recrutait ses jeunes danseurs et danseuses. "Mais elle jouait encore un rôle important, notamment celui de fournir des danseurs pour des ballets nécessitant un effectif plus grand que celui de la compagnie", précise-t-il.
Mesures prises par la Ville de Lausanne
"La Ville est attentive aux conditions de travail dans le domaine de la culture", un milieu contraignant et compétitif où les gens parlent peu, explique Grégoire Junod. "Des règles d'encadrement du travail extrêmement contraignantes en matière sociale dans les institutions culturelles ont été mises en place, et une personne de confiance est en poste depuis 2014", poursuit-il. En outre, un groupe de travail est en place suite à un postulat au Conseil communal qui demande que toutes les institutions se dotent de structures de détection des questions de harcèlement dans les milieux culturels.
Dans cette affaire-là, le Conseil de fondation a pris ses responsabilités et a agi rapidement suite à une plainte en particulier, estime Grégoire Junod, et il a pris les mesures qui s'imposaient. Le syndic de Lausanne rejette toutefois l'idée que "tout le monde savait" dans le milieu. "On ne parle pas des mêmes choses. Les faits qui ont débouché sur l'enquête sont extrêmement particuliers, et aucun élément ne permettait de penser que le Conseil de fondation pouvait être au courant", dit-il.
"Après, il y a la question plus générale des conditions de travail au Ballet Béjart, c'est une question différente. Peut-être que cette affaire doit nous inciter à faire des enquêtes plus globales", concède-t-il enfin.
Pour lui, il serait toutefois "complètement absurde" de fermer l'école et le Ballet. "On fera tout pour la préserver", dit-il. "C'est une crise qui touche le nom d'une institution qui est extrêmement importante dans le monde du ballet et pour le rayonnement de la ville", admet-il, mais il n'est "pas question" pour l'heure de couper les subventions qui lui sont accordées.
Propos recueillis par Romaine Morard
Enquête radio: Valérie Hauert
Texte web: jop
Lausanne dans une situation ambiguë
Lausanne contribue au fonctionnement du Béjart Ballet Lausanne à hauteur de 5 millions par année. Elle le fait via sa fondation, la Fondation du Béjart Ballet Lausanne. Le propriétaire de la marque, lui, est la Fondation Maurice Béjart, qui est présidée par le directeur de la compagnie Gil Roman.
Gil Roman tire sa légitimité et la direction de la compagnie d'une disposition testamentaire de Maurice Béjart, comme l'a rappelé le syndic de Lausanne Grégoire Junod jeudi dans La Matinale.
Le directeur Gil Roman pourrait en théorie quitter Lausanne. Il devrait alors trouver une ville prête à subventionner une compagnie de danse professionnelle.
Contactée, la direction du Béjart Ballet n'a pas souhaité faire de commentaires.