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Les langues se délient après les révélations sur le Béjart Ballet

Des anciens du Béjart Ballet Lausanne se font entendre dans l'audit visant l'école: interview d'Anne Papilloud
Des anciens du Béjart Ballet Lausanne se font entendre dans l'audit visant l'école: interview d'Anne Papilloud / Forum / 7 min. / le 7 juin 2021
Des anciens membres du Béjart Ballet ont écrit dimanche soir à la présidente du Conseil de Fondation, Solange Peters, a appris la RTS lundi. Leur intention: rapporter ce qui s’est passé ces dernières années, afin que l'audit investigue au bon endroit.

Suite à l'enquête sur l'école Rudra Béjart, les critiques qui ont suivi sur le fonctionnement de la compagnie et l'annonce d'un audit qui sera lancé prochainement, des anciens collaborateurs et collaboratrices du Béjart Ballet ont décidé de se faire entendre dans une lettre envoyée dimanche à la présidente du Conseil de Fondation du Béjart Ballet, Solange Peters, et qu'a pu se procurer la RTS.

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Longue de deux pages, elle est signée d'un collectif qui se présente comme des "anciens du Béjart Ballet", soit des danseurs ou danseuses, ou encore du personnel technique et administratif. Une dizaine de personnes qui ont soit démissionné, soit ont été renvoyées, parfois récemment, selon les vérifications menées par la RTS.

Ils et elles souhaitent parler de leurs expériences au sein de la compagnie, et ainsi s'assurer que l'audit à venir n'investigue pas aux mauvais endroits, comme ce fut le cas, selon eux, lors d'un précédent audit mené en 2008.

Népotisme, drogues et mobbing

Ce collectif parle tout d'abord de népotisme. On apprend que le directeur artistique Gil Roman, qui a repris la compagnie à la mort de Maurice Béjart, a engagé sa soeur en tant que créatrice lumière alors qu'elle n'aurait pas les compétences requises, ce qui nous a été confirmé par des gens du milieu de la scène. Le fils de cette dernière a aussi été récemment salarié de la compagnie, ainsi que l'épouse et la fille de Gil Roman par le passé.

Le problème des drogues est aussi abordé dans ce courrier. Le collectif y mentionne du cannabis, et l'enquête de la RTS permet d'affirmer que de la cocaïne a également toujours circulé au sein du Béjart Ballet.

En outre, affirme la lettre, des menaces, des insultes du directeur artistique sur le personnel et les danseurs étaient monnaie courante. Gil Roman aurait érigé un système de management "qui divise pour régner".

Harcèlement sexuel

Enfin, il est également question de harcèlement sexuel. Plusieurs collaborateurs ou collaboratrices actuellement dans la compagnie ont témoigné auprès du Syndicat suisse romand du spectacle (SSRS). Ces témoignages proviennent autant de victimes, principalement des femmes, que de témoins, principalement masculins. Et ils sont récents: ils ont été déposés auprès du syndicat depuis jeudi dernier, soit après les révélations de la RTS.

"Depuis l'enquête de la RTS, le syndicat a été contacté par une bonne vingtaine de personnes qui souhaitaient témoigner", confirme la secrétaire générale du syndicat Anne Papilloud, invitée lundi de l'émission Forum. "Les témoignages se recoupent, et je n'ai pas de doute sur la véracité des propos qui sont tenus", affirme-t-elle.

Le SSRS a également envoyé vendredi une lettre au Conseil de fondation. "Une série de demandes pour s'assurer que l'audit à venir ne sera pas un audit-alibi", explique Anne Papilloud. Il s'agit notamment de s'assurer que les anciens pourront être entendus, ou encore que certaines clauses de confidentialité puissent être levées.

Peur des représailles

Les témoignages publics restent pour l'heure anonymes. Les anciens expliquent qu'ils ne veulent pas d’ennui mais qu'ils se sont tus trop longtemps. Qu'il faut que les choses sortent pour protéger les jeunes générations. Quant à celles et ceux qui sont aujourd'hui dans la compagnie, ils craignent tout simplement de perdre leur travail. Selon nos informations, on les a fortement incités à se taire depuis la décision de lancer un audit.

Les témoignages transmis au syndicat ne sont quant à eux pas anonymes, précise Anne Papilloud dans Forum. "Ils s'agit de personnes qui ont témoigné auprès de nous mais dont on protège l'anonymat", dit-elle.

La syndicaliste précise également que beaucoup de personnes qui témoignent se disent soucieuces de préserver la compagnie et l'héritage de Maurice Béjart. "J'ai parfois eu des gens en pleurs au téléphone qui ont vécu des expériences traumatisantes il y a plusieurs années, mais tout le monde dit avoir aussi vécu des moments magnifiques, et se disent soucieux de préserver l'héritage Maurice Béjart", raconte-t-elle.

Contacté, le Conseil de fondation confirme qu'il a bien reçu la lettre mais ne souhaite pas commenter, afin de respecter le temps de l'audit. La compagnie elle-même s'est également refusée à tout commentaire.

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Valérie Hauert/jop

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