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Témoignage: "Ce n'est pas contre le Béjart Ballet Lausanne, c'est contre Gil Roman"

Témoignages d’anciens danseurs du Ballet Béjart (vidéo)
Témoignages d’anciens danseurs du Ballet Béjart (vidéo) / L'éclairage d'actualité / 4 min. / le 9 juin 2021
Insultes, humiliations, banalisation des drogues: la RTS a recueilli des témoignages de violences vécues par d'anciens danseurs et danseuses au sein du Béjart Ballet Lausanne. Ces dysfonctionnements, qui accablent le directeur Gil Roman, avaient déjà été dénoncés en 2008 lors d'un audit interne.

Dans un courrier adressé au Conseil de Fondation, des anciens membres de la compagnie décrivent ainsi une omniprésence de la drogue, du népotisme, ainsi qu'un harcèlement psychologique et sexuel. Chacun de ces points nous ont été confirmés par des anciens danseurs et danseuses qui préfèrent rester anonymes.

Au coeur de ces témoignages: Gil Roman, directeur artistique du Béjart Ballet. Le danseur et chorégraphe français se trouve aujourd'hui au centre des critiques.

Une danseuse anonyme témoigne à son sujet dans le 19h30 de la RTS: "il y a eu des insultes répétées plusieurs fois à un danseur qui a eu le malheur de ne pas être bien placé pendant une répétition. Il lui a dit qu'il avait été fini à la pisse. C'est quelque chose que Gil a dit très fort dans le micro et que tous les techniciens et danseurs ont entendu. C'était relativement monnaie courante au sein de la compagnie".

>> Voir le sujet du 19h30 :

Des anciens membres de la compagnie témoignent de nombreux problèmes qui gangrènent le Béjart Ballet de Lausanne
Des anciens membres de la compagnie témoignent de nombreux problèmes qui gangrènent le Béjart Ballet de Lausanne / 19h30 / 2 min. / le 8 juin 2021

"Drogues présentes"

Une autre ancienne danseuse a également déclaré que "la drogue au Béjart Ballet fait partie du quotidien", et précisé qu'elle se souvenait de "voir Gil demander aux danseurs qui étaient ses chouchous d'aller lui récupérer son herbe pour la lui amener dans sa chambre d'hôtel le soir".

Un autre danseur abonde, au micro de La Matinale, précisant que de la cocaïne était également consommée: "C'était la première fois que j'étais dans une compagnie où la drogue était présente. C'est pas que tous les danseurs en prennent, mais on sait que la cocaïne, l'herbe, c'est présent".

Ces anciens danseurs affirment également que ces dysfonctionnements avaient déjà été dénoncés lors d'un audit commandé en 2008 par la fondation, qui n'a jamais été publié, mais qui n'a pas donné lieu à des changements substantiels, comme le relevait notamment la RTS lundi.

>> Relire : Les langues se délient après les révélations sur le Béjart Ballet

Pressions pour se taire

Anne Papilloud, secrétaire générale du Syndicat suisse romand du spectacle, dénonce l'absence de réaction face à de tels témoignages. Pour elle, "ce qu'avaient dit les danseurs et danseuses en 2008 était vrai et l'audit n'a pas su le voir. En tout cas, les conclusions qu'en avaient tirées la Municipalité de l'époque et le conseil de fondation, c'était qu'il fallait maintenir Gil Roman en place. Mais pourtant, c'est mot pour mot la même chose".

Un danseur qui a passé 10 ans au Béjart et qui y était actif durant l'audit de 2008 va encore plus loin. Il mentionne même des pressions de la direction artistique pour faire taire les critiques : "Ils tablent sur le fait que tu n'auras pas d'argent pour te payer un avocat s'ils t'attaquent parce que t'as parlé. En 2008, Gil Roman nous disait 'non, ne parlez pas! Ces gens-là sont mauvais, ne les écoutez pas. Nous, ce qu'on fait c'est pour le bien de la compagnie, pour votre bien'. Alors quand t'es un danseur et que t'entends ça, tu te dis, c'est mieux que je me taise sinon je vais rester sans travail".

>> La réaction de Justine Jaunin, psychologue du sport, dans le 19h30 :

Interview de Justine Jaunin, psychologue du sport, sur les accusations de dysfonctionnements au sein du Béjart Ballet
Interview de Justine Jaunin, psychologue du sport, sur les accusations de dysfonctionnements au sein du Béjart Ballet / 19h30 / 2 min. / le 8 juin 2021

La danse, pas un cas particulier

Mais la question de savoir qui était au courant de ces agissements, et depuis quand, reste ouverte. Parmi les directeurs successifs de la fondation, seul Jean-Pierre Pastori a accepté de nous parler. Il se dit étonné de ces témoignages.

Pour lui en effet, "la danse n'est pas un cas particulier: il y a beaucoup de secteurs de la vie économique et artistique qui avaient adopté par le passé des manières de faire un peu rudes. Qu'il faudrait peut-être revoir en profondeur", admet-il.

Ni le directeur artistique Gil Roman, ni la fondation Béjart n'ont souhaité répondre à ces accusations. Les danseurs et danseuses, quant à eux, veulent aujourd'hui parler.

L'un d'entre eux explique ainsi vouloir témoigner "parce que là, ça suffit! Ce n'est pas possible qu'il continue à diriger la compagnie. Et pour les nouvelles générations aussi. On ne veut pas que la compagnie ferme. Ce n'est pas quelque chose contre le Béjart Ballet Lausanne. C'est contre Gil Roman. C'est différent".

Sujet TV: Julie Conti et Carole Pantet

Témoignages radio: Valérie Hauert

Adaptation web: Anouk Essyad

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Répercussions au Conseil communal lausannois

Les problèmes qui touchent de plein fouet l'école et la compagnie du Ballet Béjart Lausanne (BBL) rebondissent en politique. L'affaire a en effet été évoquée mardi soir au Conseil communal de Lausanne. L'élue PLR Florence Bettschart-Narbel a déposé une interpellation urgente exigeant des éclaircissements sur le fonctionnement de l'institution.

Son texte pose sept questions à la Municipalité lausannoise, dirigée par le socialiste Grégoire Junod, aussi vice-président du Conseil de Fondation du BBL. "La Ville étant la principale subventionneuse de la Fondation qui chapeaute l'Ecole-atelier Rudra Béjart et la compagnie du BBL, elle a bien entendu sa part de responsabilités dans ce dossier", explique Florence Bettschart-Narbel à Keystone-ATS, revenant sur une information de La Liberté et du Courrier.