Le président du tribunal Marc Pellet a rejeté l'appel, estimant que la réaction du policier avait "respecté le principe de proportionnalité" au vu de la "menace grave et très concrète" ainsi que de la "proximité immédiate" entre Hervé et le policier. Les juges de première instance ont donc correctement appliqué la loi, a-t-il affirmé jeudi après-midi lors de la lecture du jugement.
Le policier, alors caporal, a subi "une attaque illicite et actuelle susceptible d'attenter à son intégrité physique ou à sa vie", a poursuivi le président. Rien ne permet de relativiser la dangerosité de l'attaque, selon lui.
A la sortie du tribunal, l'avocat de la partie plaignante, Ludovic Tirelli, a aussitôt déclaré à la presse qu'il ferait appel auprès du Tribunal fédéral (TF). L'enquête doit aller jusqu'au bout avec un tribunal qui se déplace sur les lieux du drame pour procéder à une inspection locale et une reconstitution des faits sur place, a-t-il déclaré.
Du côté de la défense, l'avocate Odile Pelet s'est dite "contente et soulagée" de ce jugement en appel pour son client.
Reconstitution des faits refusée
En première instance le 31 mars dernier, la Cour criminelle du Tribunal d'arrondissement de l'Est vaudois avait suivi le réquisitoire du Ministère public, qui avait demandé lors du procès l'abandon des charges et donc l'acquittement. En Suisse, le meurtre est un chef d'accusation passible de cinq ans de prison au moins.
Jeudi matin, l'avocat de la famille d'Hervé s'était vu refuser une reconstitution des faits sur place, dans la cage d'escalier de l'immeuble où a eu lieu le drame, des auditions de témoins supplémentaires et des compléments d'expertises.
"J'ai le sentiment que la justice n'a pas fait son travail jusqu'au bout pour établir la vérité des faits", a-t-il affirmé. "Le procès a été balayé en un jour et demi, or il fallait au moins se rendre sur place pour établir les faits".
Accusation de mensonges
"De nouvelles mesures d'instruction ne sont pas nécessaires", a pour sa part estimé le président du tribunal. Avocats de la partie plaignante et de la défense ont ensuite réitéré une partie de leur plaidoirie de première instance.
L'avocat Ludovic Tirelli a de nouveau accusé le prévenu de "mensonges et d'omissions", soutenant qu'il avait aussi "minimisé sa responsabilité et amplifié le comportement de la victime", et que "sa version des faits n'était pas possible".
Il a également réfuté la menace grave et imminente de l'attaque d'Hervé, la distance "ultra proche" face au policier, ainsi que la réaction proportionnée de ce dernier et la cadence des tirs. Il a enfin relativisé la dangerosité d'un couteau à pain. "Ce n'était pas de la légitime défense mais un meurtre", a conclu Ludovic Tirelli.
De son côté, l'avocate de la défense a argumenté tout le contraire, plaidant la légitime défense et la proportionnalité de la réaction de son client qui "devait agir ainsi, qui n'avait pas le choix" pour sauver sa vie. "Il aurait tout donné pour ne pas être contraint de tirer", a aussi rappelé Odile Pelet.
ats/boi/iar
Dans un état second
Les faits remontent au dimanche soir 6 novembre 2016. Une patrouille de police avait été alertée en raison d'un grabuge dans un immeuble de Bex. Sur place, Hervé, père de famille de 27 ans, avait défoncé une porte et réveillé un voisin, faisant mine de l'égorger avec un couteau à pain avant de le laisser tranquille.
Arrivés sur place, cinq policiers avaient essayé de calmer Hervé, drogué et dans un état second, avant que celui-ci s'en prenne à un des agents en lui courant après avec le couteau à la main. Puis il s'était dirigé et rapproché du caporal, aujourd'hui âgé de 52 ans, le menaçant avec le couteau. Le policier avait dégainé et tiré trois coups de feu, atteignant la victime à la cuisse et au thorax.
La mort d'Hervé avait suscité de nombreuses réactions. Plusieurs centaines de personnes avaient manifesté quelques jours plus tard à Lausanne pour rendre hommage à la victime et critiquer la police. La République démocratique du Congo était intervenue pour demander des explications aux autorités suisses.