Alors que les berges des lacs appartiennent au domaine public, 60% d'entre elles dans le canton de Genève et 40% dans celui de Vaud restent pourtant aujourd'hui encore inaccessibles aux passants. Des aménagements illicites de parcelles privées leur barrent la voie, regrettent dans un communiqué Rives Publiques et ses soutiens politiques, le député vert vaudois Vassilis Venizelos et son homologue socialiste genevois Cyril Mizrahi.
L'article 3 de la Loi fédérale sur l'aménagement du territoire (LAT) précise pourtant clairement que "le paysage doit être préservé. Il convient notamment de tenir libres les bords des lacs et des cours d'eau et de faciliter au public l'accès aux rives et le passage le long de celles-ci".
"Il y a une attente du public qui est très grande pour avoir un cheminement en continu le long des rives du lac et des cours d'eau, estime Cyril Mizrahi. Dans le canton de Vaud et de Genève, il n'y a pas de volonté suffisante des autorités de mettre en oeuvre les lois qui existent. Avec ces projets, nous proposons de relancer le débat sur les possibilités et faire en sorte que la loi soit appliquée."
Initiative constitutionnelle
Après de nombreuses interventions dans les conseils communaux et plusieurs débats au Grand Conseil portés par la gauche, l'écologiste déposera mardi une initiative visant à modifier la Constitution vaudoise pour que la population puisse enfin accéder librement aux rives des lacs du canton. "Nous espérons une décision au mieux en fin d'année ou au printemps prochain", a évalué Vassilis Venizelos.
A Genève, bien que la nouvelle Constitution consacre le "libre accès aux rives du lac et des cours d'eau", force est de constater que la disposition votée n'a produit que peu d'effets: seuls 40% des rivages lacustres sont accessibles, a souligné Cyril Mizrahi.
Le socialiste déposera donc ces prochains jours un projet de loi prévoyant une réglementation uniforme et garantissant un chemin de rive continu sur l'ensemble du territoire cantonal. Le Conseil d'Etat serait notamment chargé d'édicter un plan directeur des rives du lac et des cours d'eau.
Droit de recours introduit
Les deux projets prévoient en outre l'introduction d'un droit de recours. En bénéficieront les organisations poursuivant un intérêt public en matière d'environnement, d'aménagement du territoire, de protection de la nature ou d'accès aux rives.
Ces nouvelles dispositions leur permettront de contrôler si l'accès aux rives est respecté. Sur la forme, le Tribunal fédéral (TF) avait estimé en 2018 que l'association Rives Publiques n'avait pas qualité pour recourir car elle n'était pas voisine d'une parcelle incriminée à Mies, a rappelé Vassilis Venizelos.
"Les tribunaux n'acceptent des recours que des propriétaires voisins", a affirmé Cyril Mizrahi. Or ceux-ci "ne sont pas très friands de faire recours pour garantir le libre accès au lac", selon le socialiste. "Il y a un mécanisme qui doit être mis en place pour que les tribunaux puissent entrer en matière et vérifier concrètement que ce principe du libre accès est correctement appliqué."
ats/iar
Large soutien politique
Ces interventions coordonnées sont soutenues dans les deux cantons par Ensemble à gauche, les socialistes et les Verts, mais également par plusieurs députés des Libres, du Centre, des Vert’libéraux et de l'UDC. Elles doivent permettre de faire avancer la situation et de rendre à tout un chacun le droit de cheminer d’un bout à l'autre des lacs sans entrave, sur des terrains qui n'auraient jamais dû être privatisés.
L'association Rives Publiques se bat depuis deux décennies pour le principe du libre accès aux rives. Il s'est imposé en votation populaire dans les communes de La Tour-de-Peilz et de Gland, en 2010 et 2012. Néanmoins, la réalisation effective des aménagements nécessaires se heurte aux oppositions de plusieurs propriétaires privés. A Mies et Tannay également, l'association tente de faire respecter la loi, sans véritable succès à ce jour.
Loi vaudoise pas appliquée
Dans le canton de Vaud, la loi cantonale sur le marchepied prévoit déjà depuis 1926 que soit laissé, le long de la rive des six principaux lacs vaudois et sur une largeur minimale de deux mètres, un espace libre de toute construction ou autre obstacle à la circulation. Toutefois, faute de volonté politique, cette loi n'a jamais été appliquée avec le sérieux et la rigueur requis.
Le cheminement continu prévu n'a ainsi jamais été réalisé et près de la moitié des 87 kilomètres de rives vaudoises du lac Léman n'est toujours pas accessible au public. A titre d'exemple, entre Mies et Tolochenaz, le taux d'accessibilité est estimé à seulement 26%, a affirmé le député vert vaudois Vassilis Venizelos.