Une plainte pénale sera déposée en Suisse contre l'essayiste d'extrême droite Alain Soral
Exilé à Lausanne, Alain Soral a tenu des propos violents contre une journaliste romande et les personnes LGBTQ+ dans une vidéo, révélait Le Matin Dimanche. Pink Cross juge les propos tenus par l'essayiste français d'extrême droite "intolérables". Très controversé, il a déjà été condamné en France pour provocation ou incitation à la haine.
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Ainsi, pour la première fois en Suisse romande, Pink Cross va s'appuyer sur la nouvelle norme pénale contre l'homophobie pour porter plainte. Pour rappel, l'article 261bis du Code pénal est étendu depuis juillet 2020 et punit désormais les discriminations fondées sur l'orientation sexuelle.
Très peu de procédures en Suisse romande
Depuis un an, selon les Ministères publics contactés par la RTS, les procédures ouvertes se comptent sur les doigts de deux mains: trois dans le canton de Vaud, deux dans le canton de Fribourg; une seule en Valais et à Neuchâtel; et aucune à Berne. A noter qu'il ne s'agit que d'une estimation, car les procureurs cantonaux ne tiennent pas de statistiques.
Seules deux plaintes auraient abouti en Suisse romande, selon les informations de la RTS. Une dans le canton de Vaud et une autre à Neuchâtel qui concerne une dispute entre voisins: l'un a fait une allusion assez appuyée à l'orientation sexuelle des autres. Une première condamnation avait été prononcée en Thurgovie où un jeune politicien avait tweeté des propos homophobes.
Article de loi très spécifique
S'il n'y a pas plus de procédures, alors que l'homophobie est désormais une infraction poursuivie d'office, c'est parce que l'article 261bis est très spécifique. Protégeant la paix publique, il condamne l'appel à la haine, par exemple des insultes générales contre une communauté.
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Dans l'affaire d'Alain Soral, la journaliste injuriée aurait ainsi plus de chances avec une plainte à titre individuel pour atteinte à l'honneur qu'au nom de la norme antihomophobie, selon l'avis des deux juristes consultés par la RTS.
En outre, cet article de loi est appliqué avec modération par les tribunaux suisses, car il touche à la liberté d'expression. La justice sera ainsi plus tolérante lorsqu'il s'agit de propos tenus dans le débat politique pour éviter la censure. Dans le cas d'Alain Soral, reste à savoir si l'homme peut être considéré comme un politicien ou non.
Contre des "cas extrêmes"
Malgré ce constat, la norme demeure utile selon les associations militantes, mais elle doit rester une protection contre des "cas extrêmes" qui portent atteinte à toute une communauté, des délits plutôt rares en Suisse.
Avoir trop de plaintes n'est pas non plus souhaitable, selon la directrice romande de Pink Cross Muriel Waeger. Les propos incriminés sont systématiquement médiatisés et bénéficient d'une certaine publicité, pas bienvenue à ses yeux.
Julie Rausis/vajo