Les militantes et les militants disent craindre des petits procès "bâclés" consécutifs aux différentes actions de désobéissance civile en faveur du climat qui ont eu lieu depuis le printemps 2019. Car ce ne sont pas moins de 250 ordonnances pénales qui ont été prononcées contre des activistes notamment d'Extinction Rebellion (XR), Grève du climat Vaud et Lausanne Action Climat.
La plupart ont fait opposition à leur condamnation afin de porter leur cause devant les tribunaux. "Il y a la stratégie des actions et la stratégie des procès" pour médiatiser et faire entendre la cause proclimat, a expliqué devant la presse Antoine Thalmann, militant XR.
Il a aussi annoncé que les activistes condamnés feront systématiquement recours, demanderont des procès conjoints au Tribunal cantonal et iront jusqu'à la Cour européenne des droits de l'homme (CEDH) s'il le faut.
La "jurisprudence Crédit Suisse" mobilisée
Jusqu'au 11 juin dernier, la jurisprudence au niveau fédéral faisait défaut sur cette question de la désobéissance civile en matière de lutte contre le réchauffement climatique. Ce jour-là, le Tribunal fédéral a finalement tranché en déboutant douze activistes ayant occupé les locaux lausannois de Credit Suisse en novembre 2018.
Les juges de Mon Repos avaient conclu que l'urgence climatique ne correspondait pas à la définition de danger imminent ni au principe d'état de nécessité licite, disposition du Code pénal qui peut justifier une action illégale sous certaines conditions.
Le procureur général vaudois Eric Cottier avait alors clairement annoncé que l'autorité de poursuite pénale "prendra appui sur cette jurisprudence" face à la "multiplication des cas dans lesquels des actes illicites sont commis dans le but prétendu d'alerter l'opinion publique".
"Climaccarthysme"
C'est justement ce qu'ont déploré jeudi les activistes du climat. Avec cet arrêt, "la justice vaudoise a décidé de lancer un marathon de procès rapides et discrets", ont-ils déclaré. Ils regrettent notamment que "le tribunal refuse de juger ensemble les participants à une même action".
Rien que d'ici la fin de l'année, une douzaine de procès sur un jour est prévue pour juger une soixantaine de prévenus répartis en petits groupes, selon eux. Le premier est agendé le vendredi 24 septembre, avec un prévenu ayant participé à trois actions.
Les militants estiment que le Ministère public vaudois "prend le risque d'encombrer le système judiciaire et de dépenser l'argent du contribuable" avec la multiplication de "petits" procès saucissonnés. "Le risque est d'avoir des procès bâclés et expédiés sans bruit", estime Antoine Thalmann, qui a évoqué une ambiance de "climaccarthysme", en référence au maccarthysme anticommuniste des années 50 aux Etats-Unis.
Comportements individuels sanctionnés
Des accusations que rejette le procureur général Eric Cottier. "Le Ministère public ne réprime pas des mouvements. Il statue sur des comportements, qu'il sanctionne s'ils lui paraissent constitutifs d'infractions pénales", répond-il.
"Même si plusieurs personnes ont commis des actes à l'occasion d'un même événement, il n'est reproché à chacune d'elle que les actes spécifiques qu'elle a personnellement et individuellement commis". Il estime en outre qu'il n'est pas certain que "quelques grands procès auraient un coût en temps et en argent moindre que des procédures séparées".
Enfin, il rappelle aussi qu'"il n’est pas de la compétence du Ministère public de mettre en place des mesures destinées à lutter contre le réchauffement climatique. Cette compétence relève du législateur".
ats/jop