Le phénomène est sans précédent à Lausanne. Des centaines de plaintes pénales ont été déposées. Plus de 300 dommages à la propriété ont été signalés aux forces de l'ordre sur les douze derniers mois. Les dégâts se chiffreraient en centaines de milliers de francs.
"Mise au point" a réussi à retrouver plusieurs activistes responsables de ces deprédations. Ils ont accepté de témoigner anonymement. Ces individus ont entre 15 et 35 ans et n'appartiennent pas aux collectifs anti-pub historiques. Leurs revendications sont environnementales. Ils disent vouloir éveiller les consciences, notamment celles des politiciens.
Bombes de peinture et marteaux
"Si on arrive à faire chuter l'entreprise de publicité rien que par les coûts engendrés par nos actions, ce serait déjà une petite victoire. La publicité nous pousse à une consommation frénétique, nuisible pour l'environnement", explique l'une des activistes.
Les membres du collectif ont accepté de dévoiler à la RTS leur mode opératoire. Ils mènent leurs actions au coeur de la nuit, généralement en binôme. Pour dégrader les publicités, ils utilisent des bombes de peinture et des marteaux brise-vitre subtilisés dans des bus lausannois.
Faire du sabotage, c'est concrètement se défendre face à ce système qui nous détruit
Ces activistes disent n'appartenir à aucune organisation connue. Ils défendent une écologie radicale et insistent sur la notion de sabotage. "Faire du sabotage, c'est concrètement se défendre face à ce système qui nous détruit", explique l'un d'eux.
"On peut estimer que casser une pub est violent. Mais la violence que fait l'Etat et les entreprises en détruisant nos vies et en sabotant notre environnement est une violence qui est pire que celle que nous utilisons pour nous défendre", ajoute-t-il.
Pas d'interdiction de la pub en vue à Lausanne
Florence Germond, conseillère municipale en charge des finances et de la mobilité, dit comprendre le combat contre la publicité et la surconsommation, mais désapprouve "totalement" la manière utilisée par les activistes. "Je défends mes idées de façon légale, dans les institutions. C'est par ce biais-là que ces gens doivent défendre ces valeurs et non avec des actes de vandalisme."
Contrairement à Genève, une interdiction de la pub n'est toutefois pas à l'ordre du jour à Lausanne. La Ville tire une importante manne financière de l'affichage. La société d'affichage débourse en effet trois millions de francs pour obtenir le droit exclusif de poser des publicités sur les surfaces communales. Elle offre également pour 750'000 francs d'affichage à la Ville.
Ces gens doivent défendre leurs valeurs via les institutions et non avec des actes de vandalisme
"Trois millions de francs, c'est plusieurs places en crèches et garderies. C'est un bout de rénovation d'école. Ce sont des montants qui ne sont pas négligeables. On préfère que les sociétés d'affichage payent cette redevance à la Ville plutôt qu'elles posent leurs affiches sur des bâtiments privés", argumente Florence Germond.
La Ville se dit tout de même attentive. Elle a notamment a un droit de regard sur les pubs en lien avec le tabac, les contenus choquants ou les crédits à la consommation. Les produits qui sont nuisibles au climat ne sont toutefois pas concernés, car la ville n'a pas de base légale pour les interdire.
Reportage TV: Jérôme Galichet
Version web: Antoine Schaub
"S'en prendre à la publicité, c'est comme tuer le messager"
Invité sur le plateau de Mise au point, Michael Kamm, directeur de l'agence Trio à Lausanne, rappelle que le secteur de la publicité emploie 22'000 personnes en Suisse. Il se dit touché par ces déprédations. "En s'en prenant à la publicité, c'est comme si on tuait le messager, alors que les problèmes de fond sont évidemment très importants."
"Loin de moi l'idée de vouloir les mettre de côté, mais ce n'est pas la publicité qui crée ces problèmes. (...) Casser des panneaux publicitaires, ce n'est pas ça qui va les résoudre. "