"Ces sépultures revêtent un caractère exceptionnel pour cette période et pour des aspects funéraires, tant par leur bon état de conservation général que par leur densité. Le cimetière est pratiquement complet avec une cinquantaine de tombes", a déclaré l'archéologue cantonale Nicole Pousaz.
"A l'échelle nationale, elles forment sans doute une des nécropoles les plus complètes de l'âge du Bronze final", dit-elle. La dernière découverte comparable remonte au milieu des années 1990 dans le canton du Jura. Le site funéraire de Delémont, En La Pran, fouillé à la faveur de la construction de l'autoroute A16, avait livré 35 sépultures à incinération de la même période.
Débuté le 14 juin dernier, le travail de l'équipe d'une dizaine d'archéologues va se poursuivre jusqu'à la fin de l'année, selon Nicole Pousaz. Il s'agit de poursuivre l'exploration de tout le terrain, de dégager et prélever chaque structure et objet découvert, de photographier et cartographier le site, de relever et enregistrer toutes les données possibles. Certains objets - séchés, recollés, consolidés et restaurés - pourraient se retrouver à terme dans un musée, explique-t-elle.
Chantier pour un dépôt de bus
La découverte annoncée mardi se situe sur le site protohistorique à Denges-Les Delésulles, déniché au printemps 2019 lors de sondages archéologiques requis par l'Archéologie cantonale dans le cadre d'une étude d'impact sur l'environnement. Celle-ci était en lien avec le projet de construction d'un nouveau dépôt de bus pour l'entreprise de Transports de la région Morges-Bière-Cossonay (MBC).
Bien qu'aucun indice archéologique n'ait été connu préalablement en cette zone industrielle dite du Trési, la superficie des parcelles concernées, près de 20'000 m2, présentait un risque élevé de toucher un site non encore répertorié, indique le canton. Les terrains, occupés jusque-là par des cultures maraîchères, avaient par ailleurs été peu remaniés en profondeur, facteur de préservation de vestiges archéologiques discrets, précise-t-il.
"La démarche s'est avérée judicieuse puisqu'elle a permis la découverte de deux tombes à incinération et de plusieurs fragments de récipients en céramique, laissant ainsi présager l'existence d'un site protohistorique inédit", souligne-t-il. Or, ce site étant amené à disparaître lors de la construction du nouveau dépôt de bus, des fouilles préventives ont été ordonnées dans ce secteur.
Celles-ci ayant été anticipées et signalées avant la mise à l'enquête, elles ont donc été intégrées dans le planning du chantier de construction du dépôt de bus, selon Nicole Pousaz. Il ne devrait ainsi pas subir de retard particulier. Il est assez rare que des découvertes de vestiges archéologiques stoppent définitivement un chantier, à moins de découvrir un bâtiment ou monument conservé, tel un amphithéâtre, rappelle l'archéologue cantonale.
Centaine de structures archéologiques
Jusqu'ici, ces fouilles ont permis d’explorer 8500 m2 de terrain et mis en évidence la richesse insoupçonnée du gisement. Une centaine de structures archéologiques, réparties sur une surface d'au moins 4000 m2, sont déjà recensées. Près de la moitié d'entre elles correspondent à des fosses sépulcrales renfermant les restes de défunts incinérés.
Fréquemment signalées par des dalles de couverture, les sépultures consistent en petites fosses circulaires de faible profondeur, dans lesquelles les récipients peuvent être disposés côte à côte, empilés, ou encore étagés.
Les décors observés sur certains récipients suggèrent que la principale période d'activité de la nécropole se place vers la fin de l'âge du Bronze, soit entre 950 et 900 av. J.-C. Cette phase chronologique est caractérisée par une nette prédominance du rite de la crémation.
ats/jfe