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"Le loup c'est comme le Covid, chacun s'improvise expert"

Depuis la fin août, le canton de Vaud a reçu l'autorisation de la Confédération pour des tirs de régulation du loup. Une décision qui crée des tensions dans le Jura. [Keystone - Klaus-Dietmar Gabbert]
Quinze Minutes – Sur les pas des loups du Jura vaudois / 15 minutes / 15 min. / le 23 octobre 2021
Depuis la fin août, le canton de Vaud a reçu l'autorisation de la Confédération pour des tirs de régulation du loup dans la région du Marchairuz. Mais la décision fait réagir. Dernièrement, des défenseurs du loup ont manifesté et un feu de joie a été allumé en solidarité avec les éleveurs et bergers. Le reportage de 15 minutes.

"Le contexte est très tendu entre les gens amoureux du loup et les éleveurs, les chasseurs et ceux qui viennent de la ville, extérieurs à tout ce monde-là". Julien Regamey est un enfant de la région. Photographe animalier, il arpente régulièrement les pâturages et connaît bien la situation.

Des caméras de Julien Regamey permettent d'observer les loups. [RTS - Guillaume Rey]
Des caméras de Julien Regamey permettent d'observer les loups. [RTS - Guillaume Rey]

"Chacun a des pensées très fortes au sujet du loup (...) c'est un peu normal que ce soit émotionnel", poursuit-il, en nous emmenant vers des caméras qui lui permettent d’observer les loups.

"Le retour du loup va chambouler plein de choses. Les naturalistes sont très heureux d'avoir à nouveau une vie très sauvage dans nos forêts alors que pour les agriculteurs, c'est l'inconnu (...) il ne faut pas oublier qu'il y a 100 ans, les loups avaient complètement disparu, et 100 ans d'habitude à remuer, c'est compliqué".

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Des tirs malmenés

Sur le terrain, ce sont les gardes-faune du canton qui tentent de tirer les deux jeunes loups autorisés. Ils visent de préférence des loups subadultes nés l’année précédente. Mais leur mission est compliquée. "On est clairement empêché de tirer. On a des activistes qui se relaient chaque nuit vers des endroits privilégiés de tirs", explique Frédéric Hofmann, responsable de la chasse à l'Etat de Vaud.

Le photographe animalier Alain Prêtre en fait partie. "Notre objectif, c'est qu'ils ne tirent pas, donc on va s'interposer entre les gardes-faune et la meute de loups. On fait du bruit sur notre passage, on s'agite, pour qu'on ne nous prenne pas pour des loups, et puis pour effaroucher la meute", explique-t-il.

A ses yeux, la démarche est légitime, même si pas forcément légale. Frédéric Hofmann parle lui d’une "entrave à l’acte d’une autorité officielle". Mais l’Etat privilégie pour l’instant la discussion à la répression.

Plus globalement, il relève que le contexte autour du grand prédateur ne facilite pas la tâche du canton: "Le loup, c'est comme le Covid. Chacun s'improvise expert et chacun a la solution."

Des avis qui divergent

Pour 15 minutes, Frédéric Hofmann et Alain Prêtre ont accepté d’échanger. C’est la première fois qu’ils se rencontraient. Alain Prêtre rappelle notamment son "opposition radicale" au tir de loups.

Il estime que le canton a certes "la loi pour lui, mais que cela ne rend pas pour autant le tir moral". Frédéric Hofmann explique que les tirs ne sont que "l'une des mesures de protection" et qu'en "aucun cas" ils ne nuiront à la survie de la meute ni de l'espèce". Il rappelle que "la population de loups a doublé en Suisse ces deux dernières années."

>> Discussion entre Frédéric Hofmann et Alain Prêtre :

Tirer ou ne pas tirer le loup. [RTS]
Discussion entre Frédéric Hofmann et Alain Prêtre sur le loup / L'actu en vidéo / 2 min. / le 25 octobre 2021

Recherches de solutions

Depuis le début de l’été, 13 veaux ont été tués par des loups dans la région, selon le décompte du canton. En première ligne: les éleveurs, dont fait partie le député vert’libéral Claude-Alain Gebhard, qui connaît bien les réalités de sa corporation.

"Certains des éleveurs sont très révoltés et prêts à sortir le fusil ou à empoisonner les loups. La majorité sont surpris et dans l'attente de solutions (...) et puis il y a certains éleveurs comme moi qui sont un petit peu plus tolérants et philosophes", explique-t-il.

En tant que politicien, Claude-Alain Gebhard prône le dialogue. Pour lui, "personne n'a le même niveau de connaissance et la même grille de lecture. En ce sens, un dialogue et un terrain d'entente doivent être trouvés." Une vision qui semble globalement partagée par les acteurs rencontrés par 15 minutes sur le terrain, afin d'éviter le même scénario l'année prochaine.

>> Ecouter aussi le grand débat de Forum vendredi soir :

Le grand débat - Que faire du loup en Suisse?
Le grand débat - Que faire du loup en Suisse? / Forum / 19 min. / le 22 octobre 2021

>> Voir aussi le sujet du 19h30 dimanche :

Les surveillants de la faune n'ont pas encore pu réaliser les tirs de régulation du loup autorisés fin août au Marchairuz (VD)
Les surveillants de la faune n'ont pas encore pu réaliser les tirs de régulation du loup autorisés fin août au Marchairuz (VD) / 19h30 / 2 min. / le 24 octobre 2021

Sujets radio: Coraline Pauchard et Guillaume Rey

Adaptation web: Tristan Hertig

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