"Le contexte est très tendu entre les gens amoureux du loup et les éleveurs, les chasseurs et ceux qui viennent de la ville, extérieurs à tout ce monde-là". Julien Regamey est un enfant de la région. Photographe animalier, il arpente régulièrement les pâturages et connaît bien la situation.
"Chacun a des pensées très fortes au sujet du loup (...) c'est un peu normal que ce soit émotionnel", poursuit-il, en nous emmenant vers des caméras qui lui permettent d’observer les loups.
"Le retour du loup va chambouler plein de choses. Les naturalistes sont très heureux d'avoir à nouveau une vie très sauvage dans nos forêts alors que pour les agriculteurs, c'est l'inconnu (...) il ne faut pas oublier qu'il y a 100 ans, les loups avaient complètement disparu, et 100 ans d'habitude à remuer, c'est compliqué".
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Des tirs malmenés
Sur le terrain, ce sont les gardes-faune du canton qui tentent de tirer les deux jeunes loups autorisés. Ils visent de préférence des loups subadultes nés l’année précédente. Mais leur mission est compliquée. "On est clairement empêché de tirer. On a des activistes qui se relaient chaque nuit vers des endroits privilégiés de tirs", explique Frédéric Hofmann, responsable de la chasse à l'Etat de Vaud.
Le photographe animalier Alain Prêtre en fait partie. "Notre objectif, c'est qu'ils ne tirent pas, donc on va s'interposer entre les gardes-faune et la meute de loups. On fait du bruit sur notre passage, on s'agite, pour qu'on ne nous prenne pas pour des loups, et puis pour effaroucher la meute", explique-t-il.
A ses yeux, la démarche est légitime, même si pas forcément légale. Frédéric Hofmann parle lui d’une "entrave à l’acte d’une autorité officielle". Mais l’Etat privilégie pour l’instant la discussion à la répression.
Plus globalement, il relève que le contexte autour du grand prédateur ne facilite pas la tâche du canton: "Le loup, c'est comme le Covid. Chacun s'improvise expert et chacun a la solution."
Des avis qui divergent
Pour 15 minutes, Frédéric Hofmann et Alain Prêtre ont accepté d’échanger. C’est la première fois qu’ils se rencontraient. Alain Prêtre rappelle notamment son "opposition radicale" au tir de loups.
Il estime que le canton a certes "la loi pour lui, mais que cela ne rend pas pour autant le tir moral". Frédéric Hofmann explique que les tirs ne sont que "l'une des mesures de protection" et qu'en "aucun cas" ils ne nuiront à la survie de la meute ni de l'espèce". Il rappelle que "la population de loups a doublé en Suisse ces deux dernières années."
Recherches de solutions
Depuis le début de l’été, 13 veaux ont été tués par des loups dans la région, selon le décompte du canton. En première ligne: les éleveurs, dont fait partie le député vert’libéral Claude-Alain Gebhard, qui connaît bien les réalités de sa corporation.
"Certains des éleveurs sont très révoltés et prêts à sortir le fusil ou à empoisonner les loups. La majorité sont surpris et dans l'attente de solutions (...) et puis il y a certains éleveurs comme moi qui sont un petit peu plus tolérants et philosophes", explique-t-il.
En tant que politicien, Claude-Alain Gebhard prône le dialogue. Pour lui, "personne n'a le même niveau de connaissance et la même grille de lecture. En ce sens, un dialogue et un terrain d'entente doivent être trouvés." Une vision qui semble globalement partagée par les acteurs rencontrés par 15 minutes sur le terrain, afin d'éviter le même scénario l'année prochaine.
Sujets radio: Coraline Pauchard et Guillaume Rey
Adaptation web: Tristan Hertig