Le Conseil de fondation qui chapeaute le BBL a présenté les résultats de l'audit lancé en juin dernier. Il faisait suite aux nombreuses critiques émises sur le fonctionnement du prestigieux ensemble de danse fondé par Maurice Béjart en 1987. Un total de 117 personnes ont été entendues, des anciens et des actuels membres du personnel.
Le conseil a annoncé simultanément une série de mesures pour répondre aux carences relevées. L'objectif est d'arriver à une meilleure distribution des rôles où les responsabilités artistiques et administratives seront mieux délimitées.
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Attitudes "inacceptables et vulgaires"
Gil Roman, qui a pris la direction artistique en 2007 à la mort de Maurice Béjart et "dont les brillantes qualités créatives sont unanimement reconnues dans l'audit, poursuivra sa mission de chorégraphe et directeur de ballet avec un soutien et un encadrement spécifiques", précise la Fondation dans un communiqué.
Et cela malgré "une série de dysfonctionnements en matière de ressources humaines et de communication". Le rapport relate notamment "des attitudes inacceptables et vulgaires, parfois impulsives, colériques voire injurieuses sur le plan de la communication ou de la relation à autrui".
Mais, souligne le Conseil de Fondation, le rapport d'audit n'atteste en rien les rumeurs faisant état de harcèlement d'ordre sexuel, d'homophobie ou encore de népotisme de la part du directeur artistique. Et il ne constate aucun trafic ni consommation de cocaïne, comme indiqué dans des témoignages recueillis par la RTS.
Le directeur de production licencié
Pour améliorer les choses, Gil Roman sera encadré et travaillera avec le nouveau maître de ballet au développement de la troupe et de l'école, elle aussi touchée par de "graves manquements" qui avaient conduit au limogeage du directeur Michel Gascard et de son épouse Valérie Lacaze, également régisseuse de l'école.
Le nouveau dispositif mis en place comprend aussi une directrice ou directeur général, qui sera responsable de l'ensemble des activités "y compris la future école appelée à succéder à l'Ecole-Atelier Rudra Béjart, fondée par le maître de la danse contemporaine en 1992.
Un responsable des ressources humaines sera également recruté et une commission du personnel sera mise sur pied.
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Enfin, le directeur de production, démis provisoirement de ses fonctions, a été licencié le 18 octobre dernier. Si ses qualités professionnelles sont reconnues, il a commis de graves manquements dans la gestion des distances avec les collaborateurs et du respect des femmes, a relevé Solange Peters, présidente du Conseil de fondation. Ses attitudes et propos relèvent du harcèlement sexuel.
Le rapport sera transmis au Ministère public qui décidera de la suite à donner. L'homme avait déjà été licencié par Maurice Béjart pour harcèlement avant d'être réengagé.
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Une politique de tolérance zéro à tous niveaux
Devant la forte attente des personnes auditées, le Conseil de fondation a décidé de mettre rapidement en place de "petites" mesures, mais "très importantes" pour le quotidien des membres de la compagnie. Elles concernent l’amélioration de l’organisation du travail et le respect d’autrui.
Elle prend ainsi des mesures immédiates de santé au travail et promet un planning et des vacances mieux structurés, la consolidation du plan de santé, une politique de tolérance zéro en matière de consommation d'alcool ou de stupéfiants et de tout comportement inapproprié, ainsi qu'une révision de la politique salariale.
oang avec ats
Grégoire Junod: "Des mesures fortes ont été prises"
Interrogé dans Forum, Grégoire Junod, syndic de Lausanne et vice-président de la Fondation Béjart Ballet Lausanne qui a commandité l'audit, a relevé que des "mesures fortes ont été prises, des mesures qui suivent toutes les recommandations de l'audit..Nous avons fixé une ligne claire".
"Ce qui est grave dans cette affaire, c'est qu'un directeur de production pratiquait du harcèlement sexuel depuis longtemps et cela n'a pas été détecté", a encore rappelé le syndic de Lausanne.
Pourquoi Gil Roman conserve son poste? "Il est largement reconnu comme directeur artistique". Il poursuivra cette mission, "mais il sera encadré dans la nouvelle structure par un directeur général et par des structures RH . Auparavant, il n'y avait pas de contre-pouvoir au sein de la structure et c'est cela qui va être modifié", a conclu Grégoire Junod.
Le syndicat du spectacle largement satisfait
Le syndicat suisse romand du spectacle (SSRS) salue la reconnaissance des souffrances des personnes qui ont été entendues pendant l'audit du BBL. "Ce n'était pas un fantasme de la part des personnes qui nous ont contactées", a relevé Anne Papilloud, sa secrétaire générale.
"Ce qui me semble essentiel, c'est que le Conseil de fondation a eu des mots très forts, puisqu'il reconnaît les dommages et les souffrances que ces comportements inadéquats ont causés", a-t-elle ajouté.
Les mots pour qualifier le comportement "inadéquat" du directeur artistique Gil Roman dans le rapport d'audit sont également "assez forts", estime-t-elle. Et les écarts dénoncés vont donner lieu à une redistribution des rôles à l'intérieur de l'organisation.
Le SSRS plébiscite encore la nouvelle politique de tolérance zéro par rapport à toute attitude inadéquate, "dégradante, humiliante, harcelante". "Cela nous semble sans doute le plus important. Il faudra bien sûr que cela soit suivi d'effets dans le cas, ce qu'on ne souhaite pas, où il y aurait de nouveaux problèmes."