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Une conférence sur la haine perturbée par un gorille vert à Lausanne

Vue surplombante de la place de la Riponne. [KEYSTONE - Jean-Christophe Bott]
Un happening raté finit mal au Palais de Rumine / Forum / 3 min. / le 31 octobre 2021
Une personne déguisée en gorille a perturbé une présentation publique à Lausanne ayant pour thème "la haine en ligne". Il s'agissait en fait d'un artiste engagé par les organisateurs pour animer la journée, sans que les conférenciers en soient informés.

Samedi en fin de matinée au Palais de Rumine à Lausanne, le conférencier Sébastian Dieguez entame une présentation sur le complotisme, thème dont il est spécialiste, dans le cadre du cycle de conférences dédié aux "chemins de la haine".

Soudain, un homme déguisé en gorille vert fluo apparaît. Il interrompt le chercheur en neurosciences et lui demande notamment un exemplaire de son livre, avec lequel il aurait l'intention de "s'essuyer le train", selon ses mimes. L'individu reviendra ensuite perturber la fin de sa présentation.

Suite à cela, le conférencier sort de la salle à la recherche de son perturbateur. Il le questionne sur son identité et la raison de son intervention. Sébastian Dieguez suspectait l'acte d'un complotiste voulant saboter sa conférence sur ce thème.

Le gorille refuse de s'expliquer. Le ton monte, et le chercheur lui retire vigoureusement son masque. En échange, il dit avoir reçu un coup de poing dans les parties génitales.

Un musicien mandaté pour animer la journée

De leur côté, les organisateurs regrettent un ratage, en expliquant que derrière le gorille se cachait en fait un musicien mandaté pour animer la journée. Il avait pour mission de casser le traditionnel et monotone enchaînement d'exposés, caractéristique des colloques.

Sans instruction précise, l'artiste est allé plus loin qu'imaginé. Il en serait d'ailleurs navré, en reconnaissant avoir manqué de tact.

Charles Kleiber, responsable de l'événement, précise avoir autorisé le musicien, comme d'autres, à intervenir en sous-marin pour illustrer métaphoriquement le propos des conférences.

Les conférenciers n'avaient pas été avertis de ces performances, et Charles Kleiber reconnaît là une erreur. Il appelle toutefois à la désescalade, constatant des réactions de haine de la part des deux protagonistes. Selon deux témoignages en sa possession, hors de la salle, ce serait Sebastian Dieguez qui aurait commencé par agresser le gorille.

Défiance envers les scientifiques

Le musicien ne souhaite pour sa part pas s'exprimer dans les médias. Julien Feltin, le directeur de l'Ecole de jazz et de musique actuelle, où étudie l'individu, assure toutefois qu'il n'est pas complotiste, et le décrit comme quelqu'un de non belliqueux. Il dit comprendre la douleur ressentie par Sebastian Dieguez mais pour lui, il s'agit d'un enchaînement dommageable de maladresses, avec des gens blessés de part et d'autre.

Sebastian Dieguez quant à lui conteste cette lecture. Il est convaincu que le gorille a délibérément voulu "pourrir" son intervention, puisqu'il a refusé de s'expliquer après la conférence. Au contraire, il a même insulté le chercheur, en suggérant qu'il n'était pas un intervenant légitime sur le sujet de la haine. Tant que les organisateurs n'admettront pas qu'il ne s'agissait pas d'un sketch anodin, le chercheur n'acceptera pas leurs excuses.

Cette histoire intervient sur fond de tensions entre les scientifiques et une partie de la population. Attaqués ou menacés presque quotidiennement, certains scientifiques sont sur les dents. Sebastian Dieguez a eu peur que le gorille cache une arme sous son costume, ce qui laisse transparaître le niveau de tension qui règne actuellement.

Romain Carrupt/asch

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