La succession de Bernard Fibicher, 64 ans, à la tête du Musée cantonal des Beaux-Arts (MCBA) est lancée. Le délai de candidature courait jusqu'à dimanche. Le même scénario attend le Musée cantonal de design et d'arts appliqués (MUDAC) le printemps prochain, avec le départ de Chantal Prod'Hom.
"Une succession n'est jamais une mince affaire", souligne Jacques Cordonier, chef du Service valaisan de la culture durant 15 ans. La tâche s'annonce donc ardue pour Patrick Gyger, le directeur de Plateforme 10, qui devra gérer deux successions en quelques mois avec des ambitions clairement affichées.
Dans son nouvel écrin près de la gare de Lausanne, le MCBA souhaite en effet doubler sa fréquentation de 40'000 visiteurs annuels. Le nombre d'expositions devrait aussi plus que doubler et le musée compte bientôt parler d'égal à égal avec certaines institutions étrangères.
L'offre d'emploi qui courait jusqu'à dimanche a ainsi été diffusée bien au-delà des frontières nationales, en France, mais aussi dans la presse étrangère, Die Zeit en Allemagne ou The Guardian au Royaume-Uni.
Pas de noms mais des profils
Si aucun nom ne filtre pour l'heure, différents profils se dessinent selon les observateurs contactés par la RTS.
Un ou une Suissesse en milieu de carrière, jusqu'ici à la tête d'une institution culturelle de taille moyenne, dans une plus petite ville comme Neuchâtel, Fribourg ou Sion, ce pourrait être le portrait-robot du futur directeur du MCBA. Il existe un tel vivier en Suisse romande, mais il n'est pas immense, reconnaît toutefois Jacques Cordonier. Et Vaud, comme Genève, peine à s'ouvrir à la Suisse alémanique qui présente pourtant des opportunités.
Mais pour Isabelle Raboud-Schülé, la présidente de l'Association suisse des musées, il ne faut pas à tout prix se limiter au tissu local. L'art a particulièrement besoin d'échanges d'idées et de regards croisés.
Le deuxième portrait-robot prend donc les traits d'un ou une directrice d'institution étrangère. Mais nos interlocuteurs sont unanimes: il faut faire attention au phénomène de la "star", recruter un grand nom du milieu qui serait finalement peu investi et resterait en place deux ou trois ans seulement. La Suisse romande ne manque pas de précédents, rappelle la directrice d'un centre culturel vaudois qui souhaite rester discrète. "Une personnalité hors frontière oui, mais qui s'intéresse à notre histoire, nos collections et qui comprenne le système suisse."
Le troisième et dernier portrait-robot est ainsi sans surprise celui d'un ou d'une Suissesse qui aurait pris le large quelques années pour faire ses gammes. Ce profil est évoqué par Patrick Gyger lui-même, et n'est pas sans rappeler son propre parcours, qui l'a mené d'Yverdon à Nantes avant de revenir à Lausanne.
"Lausanne n'est pas provinciale"
Plateforme 10 a-t-elle les moyens de ses ambitions? Financièrement, sans aucun doute, il est difficile de concurrencer un salaire suisse dans ce milieu.
Mais tout n'est pas question d'argent. "La vie culturelle helvétique est attractive" aux yeux de Juliette Raoul-Duval, qui préside ICOM France, le Conseil international des musées. L'offre d'emploi est "de très haut vol" et elle l'assure, "Lausanne n'est pas vue comme provinciale" depuis l'Hexagone.
Reste que Plateforme 10 est une nouvelle institution, qui doit encore se faire connaître. Patrick Gyger le concède, il a dû répondre à plusieurs candidats pour clarifier ce projet dont dépendront le MCBA et le MUDAC, mais il se réjouit du niveau "très élevé" des candidatures reçues.
Une commission de huit experts, dont des directeurs et directrices d'autres musées suisses a été constituée pour les départager. L'heureux élu entrera en fonction l'été prochain.
Julie Rausis/ebz
Week-end portes ouvertes
Après le Musée cantonal des Beaux-Arts en 2019, le deuxième bâtiment de Plateforme 10, qui abrite le mudac (design) et Photo Elysée, est terminé. Il accueillera ses premières expositions en juin 2022.
Le public pourra découvrir durant le week-end des 6 et 7 novembre l'architecture de ce nouveau cube, où les deux musées sont comme posés l'un sur l'autre, avec trois seuls points d'ancrage.