"Ma profession me nourrit, j'y trouve du sens mais je dois avouer qu'elle me coûte beaucoup et je me pose souvent la question de savoir si je suis vraiment fait pour ce métier", confie Fabien, 35 ans, infirmier en psychiatrie à la Maison Béthel à Blonay.
"Quand on accompagne des personnes en situation de fragilité psychique, il y a un réel investissement émotionnel", explique Fabien. "Il faut savoir garder une distance thérapeutique, mais quand les journées sont longues et la charge de travail de plus en plus lourde, cette charge émotionnelle peut vraiment nous consumer".
Le personnel soignant devrait par vocation sacrifier une partie de sa vie privée au nom de la noblesse du métier, c'est ce dogme qu'il faudrait casser
Hausse des admissions
La maison Béthel accueille des personnes en fragilité psychique passagère ou chronique pour des courts et moyens séjours de transition.
Le téléphone sonne sans arrêt et les demandes d'admission n'arrêtent pas, une quarantaine par jour en moyenne. "Il y a beaucoup de personnes en grande souffrance psychologique et les hôpitaux sont pleins, on accueille beaucoup de gens en dépression ou après un burn out", explique Isabelle, infirmière chargée des admissions.
Pénurie de personnel
Le personnel a atteint ses limites en terme de charge de travail et la cadence est telle que beaucoup d'employés jettent l'éponge. "En un trimestre, j'ai eu trois lettres de démission sur mon bureau et un congé longue durée, ça représente un tiers du personnel qu'il faudra remplacer", explique Katia de la Baume, directrice de l'établissement.
Et la maison Béthel peine à recruter, car "le CHUV aspire tout le personnel infirmier en offrant un meilleur salaire. Il y a d'importantes disparités depuis que le canton a décidé de créer des grilles de salaire différentes entre les établissements publics et les institutions privées, la différence peut aller de 500 à 1000 francs par mois", ajoute la directrice.
Épuisement
A ces conditions salariales s'ajoutent les horaires irréguliers et la charge émotionnelle qui épuise elle aussi. "La plupart des infirmières et infirmiers travaillent à temps partiel ou maximum à 80% pour se préserver et tenir le rythme, nous donnons même des congés sans solde pour que les employés puissent récupérer, mais évidement c'est une lourde perte financière pour eux", reconnaît la directrice.
Chaque année, environ 2400 professionnels de la santé abandonnent leur métier, dont un tiers avant l'âge de 40 ans. Et la pandémie de coronavirus risque d'accroître encore davantage le phénomène.
Malika Scialom et Katia Bitsch