Les pratiques qui visent à modifier l'orientation sexuelle ou l'identité de genre d'une personne n'ont pas leur place dans le canton de Vaud. C'est le message du Grand Conseil, qui a accepté à l'unanimité moins deux abstentions une motion du socialiste Julien Eggenberger.
Le Conseil d'Etat dispose d'un an pour établir une loi qui interdit ce que l'on appelle communément les "thérapies de conversion", mais qui se cachent bien souvent derrière des termes lénifiants: stages de "restauration de l'identité", séances d'hypnose et autres traitements psychique ou hormonal.
Un projet de loi est aussi en préparation à Genève. Sur le plan fédéral, deux initiatives ont été déposées cet automne, alors que plusieurs pays comme l'Allemagne, la Grande-Bretagne et récemment la France ont déjà interdit ces "thérapies de conversion" que le Conseil des droits de l'homme de l'ONU assimile à de la torture.
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Des pratiques jugées moyenâgeuses
Les "thérapies de conversion" sont "dignes du Moyen-Age" et "intolérables", selon les députés vaudois, tous partis confondus, qui ont plébiscité la motion du socialiste. L'élaboration d'une loi est "une nécessité et un enjeu" sociétaux et de droits humains, a insisté Julien Eggenberger.
En Suisse, quelque 14'000 personnes seraient victimes de telles pratiques, et la problématique est toujours d'actualité. Son texte rappelle qu'un médecin homéopathe, pratiquant dans les cantons de Genève et de Vaud, proposait en 2018 de "guérir de l'homosexualité".
En 2020, un psychiatre dispensait ces "thérapies" à Schwyz. Elles seraient aussi pratiquées dans certains milieux religieux.
Eglises et milieux LGBTIQ+ favorables à une loi
Une commission du Grand Conseil vaudois avait été chargée en mars dernier d'examiner la motion. Fait rare, elle a mené des auditions. Deux Eglises et deux associations de défense des droits des minorités sexuelles ont été entendues. Toutes se sont prononcées en faveur d'un cadre législatif.
L'Eglise évangélique réformée du canton de Vaud a toutefois précisé ne pas avoir attendu cette motion pour se doter de garde-fous, à savoir une charte pour les lieux d'accompagnement thérapeutiques et une directive sur le harcèlement spirituel et la protection de la personnalité.
Les Eglises ont bien compris l'enjeu de réguler leurs pratiques, constate Julien Eggenberger. Il explique qu'elles ne sont pas l'enjeu principal de sa motion qui se concentre sur les thérapeutes contrevenant à leur éthique professionnelle en pratiquant de telles "thérapies".
Mesures de prévention requises
La future loi devrait interdire toute publicité pour les "thérapies de conversion". Elle aura aussi une forte portée symbolique et offrira une reconnaissance aux victimes, se réjouit Aymeric Dallinge, président de Pôle Agression et Violence, une association vaudoise de soutien aux personnes LGBTIQ+, auditionnée par la commission du Grand Conseil.
Mais la loi "n'empêchera pas une personne, en unilatéral, de proposer un accompagnement dans un milieu religieux type ou dans un cadre familial ou amical", a prévenu Aymeric Dallinge mercredi dans La Matinale de la RTS. Un texte législatif n'aura que peu d'effets sur ces échanges d'ordre privé, d'autant que la frontière entre "thérapie de conversion" et "accompagnement spirituel" est parfois floue.
"Le but n'est pas de toucher à la liberté religieuse", précisent les associations de défense des minorités sexuelles. La notion de consentement est importante, mais aussi complexe. Pour qu'elle soit efficace, la nouvelle base légale devrait ainsi être accompagnée de programmes de prévention et de sensibilisation, ce qu'a déjà promis la conseillère d'Etat Rebecca Ruiz.
Julie Rausis/oang/ats