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Le pouvoir politique jouit d'une grande marge pour exonérer des entreprises

Le centre business de Rolle, qui abrite plusieurs multinationales. [Keystone - Jean-Christophe Bott]
La multinationale ADM, à Rolle, a aussi demandé une exonération fiscale / Forum / 3 min. / le 22 décembre 2021
Dans le sillage de l'affaire Monsanto, qui doit rembourser 34 millions de francs d'impôts, la RTS dévoile les dessous du processus d'exonération. L'exemple d'ADM, à Rolle (VD), montre que la décision est avant tout politique.

Alors que mardi, un arrêt du Tribunal fédéral condamnait Monsanto à rembourser 10 ans d'impôts non payés au canton de Vaud pour non-respect du contrat autour de son exonération, la RTS a pu consulter des documents sur un autre cas précis, celui de la société ADM. Ces documents montrent en quelque sorte les dessous du processus régissant une demande d'exonération fiscale.

>> Lire aussi : Monsanto devra payer 10 ans d'impôts non-perçus dans le canton de Vaud

La demande porte sur la période 2021-2030. ADM est active dans le négoce de matières premières et dans la nutrition, et elle emploie 300 personnes à Rolle.

Nouvelle activité prévue

Dans une lettre datée du 21 janvier 2020 et adressée au Département de l'économie du canton de Vaud et à l'Administration cantonale des impôts, elle annonce vouloir développer une nouvelle activité à Rolle, en plus de ses affaires courantes: elle veut renforcer sa centrale d'achats et créer un pôle "recherche et développement" autour de la nutrition, avec 35 nouveaux emplois à la clef.

Elle rappelle qu'elle a déjà bénéficié d'une première exonération fiscale de 2008 à 2017, et conclut qu'avec cette nouvelle structure, elle contribuera au développement de la "Health and Nutrition Valley" du canton, l'un des axes prioritaires et stratégiques de la politique économique vaudoise.

Préavis favorable

L'Administration cantonale des impôts a rendu un préavis favorable, que la RTS a aussi pu consulter. Tout comme le préavis de la commune de Rolle, favorable également.

Le tout est parfaitement légal, même si le processus est très opaque. L'entreprise fait sa demande, le fisc et la commune donnent un préavis, et le Conseil d'Etat tranche. Il s'agit donc d'une décision politique. Et c'est une pratique qui perdure malgré le fait que le souverain vaudois a voté sur un taux unique d'imposition des entreprises à environ 13%.

Pas tous les critères remplis

Le préavis du fisc vaudois est éclairant: on y découvre qu'ADM ne remplit pas tous les critères pour prétendre à une exonération. Par exemple, sur les 35 nouveaux emplois annoncés, seuls huit seront dévolus à la recherche et à l'innovation. Les 27 autres se concentreront sur des activités dites "de quartier général".

Or selon les règles appliquées par le canton de Vaud, un nouveau centre de recherche doit comporter au minimum 25 nouveaux emplois pour prétendre à une exonération. Et un quartier général 40. Dans le cas présent, les effectifs étant de huit et 27, ils ne respectent pas les critères.

Mais le fisc vaudois rappelle au canton qu'il peut "faire preuve de souplesse s'il devait retenir ce projet comme stratégique" et ainsi octroyer malgré tout une exonération, mais un peu plus basse que demandé.

Autre point problématique

Un autre point s'avère problématique: pour son nouveau centre de recherche, ADM annonce vouloir investir 6 millions de francs. Mais pour décrocher une exonération, il faut investir au minimum 6,5 millions s'il s'agit d'une activité mixte de recherche, développement et de quartier général. Là non plus, le compte n'est pas bon. Mais là aussi, le fisc rappelle au canton qu'il peut faire preuve de souplesse.

On ignore si le canton a tranché. Interrogé, il n'a pas souhaité commenter en raison du secret fiscal. La RTS a aussi posé des questions à la commune de Rolle et à ADM, mais elles ne font aucun commentaire, au nom du secret fiscal également.

En revanche, ADM a bien ouvert son nouveau centre nutrition à Rolle le 16 novembre dernier. Sur une photo prise à l'inauguration et publiée sur le site de l’organisme de promotion économique de Suisse occidentale, on y voit le ministre vaudois de l'économie Philippe Leuba couper un ruban en présence de cadres de la multinationale.

Manque de transparence

Pour le conseiller national Samuel Bendahan (PS/VD), il est important que des règles aient été mises en place, a-t-il relevé mercredi dans l'émission Forum. "Mais ce que l'on constate dans cette enquête, c'est que ces règles sont assez flexibles et que c'est peu transparent". Et le risque, à ses yeux, c'est que les contribuables qui doivent remplir leur déclaration fiscale selon des règles claires, sans souplesse, s'offusquent que les entreprises puissent négocier.

Pour attirer et soutenir des entreprises, il ne faut pas passer par la fiscalité, mais par une claire politique cantonale de soutien aux entreprises, plaide Samuel Bendahan. "Cela peut être des soutiens à travers des programmes de recherche ou à travers des partenariats. Il y a plein de manières d'apporter des aides, sans recourir au secret fiscal".

>> L'interview de Samuel Bendahan:

Sujet radio: Valérie Hauert

Adaptation web: Jean-Philippe Rutz

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