Les patients du CHUV à Lausanne sont peu nombreux à connaître la particularité du pain qui leur est servi quotidiennement dans leur plateau-repas.
"J'ai appris que ce pain était fabriqué à Bochuz", sourit Josette Genoud dans l'émission Mise au point diffusée dimanche passé sur la RTS. Patiente de l'établissement hospitalier vaudois, le goût et la qualité du produit qui lui est servi ce matin-là l'enchante. "Et je trouve très intelligent l'idée de faire faire quelque chose à ces gens pour qu''ils aient l'impression d'être utiles pour d'autres gens qui ont besoin d'eux."
Menuiserie, cartonnage ou boulangerie: les 145 détenus enfermés à Bochuz pour des peines allant de 8 à 15 ans de prison peuvent choisir l'atelier où ils vont travailler. Six d'entre eux ont fait le choix de se former à la fabrication du pain. Tous les matins, à deux heures, un gardien les réveille pour qu'ils puissent rejoindre leur chef, celui qui les guide dans le métier.
Atelier sous haute surveillance
Entre le bâtiment des cellules et l’atelier, plusieurs portes sécurisées s'enchaînent. Au bout, si on accède à un espace qui pourrait ressembler à toutes les arrières-boulangeries du monde, les consignes de sécurité y sont très strictes, notamment en ce qui concerne le matériel. Il faut dire que du viol au meurtre, ces détenus-là représentent toute la gamme de la violence criminelle.
"Les détenus n'ont pas accès aux couteaux. C'est uniquement le chef de l'atelier qui sort les couteaux du local", insiste leur responsable, Olivier Bourgeois. Malgré des détecteurs de métaux, "chaque détenu a une boîte avec un cadenas. Ils signent à chaque fois un papier comme quoi la boîte a été contrôlée", poursuit-il.
Et la surveillance ne s'arrête pas au matériel. Certains ingrédients sont également scrutés, comme la levure que les détenus peuvent utiliser pour fabriquer de l'alcool. Elle est stockée au bureau pour éviter des trafics au sein de la prison.
Succès auprès des prisonniers
Malgré des horaires astreignants, cet atelier rencontre un grand succès auprès des prisonniers, comme le souligne Olivier Bourgeois. Les détenus qui le suivent "ont certains avantages". "Ils travaillent six jours, donc ça leur fait un peu plus d'argent", avance-t-il notamment.
"C'est beaucoup de pression, mais c'est de la bonne pression. C'est ce qui donne envie de venir ici tous les jours", se réjouit l'un des participants. "De 2 heures du matin à 8 heures, on n'est pas en prison. On fait quelque chose de concret. Cela fait plaisir." Sans compter que cette formation pourra éventuellement leur servir à leur sortie de prison s'ils décident de poursuivre sur cette voie.
Outre le CHUV, le pain frais sorti de la boulangerie de Bochuz est également livré à l'Hôpital de Cery ainsi que dans les autres prisons du canton de Vaud. "Entre 620 et 650 kg de pain sortent chaque jour de notre boulangerie", se félicite Olivier Bourgeois. Avant de poursuivre: "J'aime vraiment transmettre le savoir du métier. Et ça marche: on a deux anciens détenus qui sont partis en Espagne où ils ont trouvé un emploi comme aide-boulanger. Cela fait chaud au coeur de voir que ce qu'on a appris à certains détenus, ça peut fonctionner."
Raphaël Guillet/fgn