Au total, une quarantaine de zadistes passeront devant les juges. Cette semaine, sept des anciens occupants de cette ZAD (pour "Zone à défendre") seront auditionnés entre lundi et mercredi par le Tribunal d'arrondissement de La Côte. Ils s'étaient opposés des mois durant à l'extension des carrières du cimentier Holcim sur la colline du Mormont, entre Eclépens et La Sarraz (VD), avant d'être évacués par la police en mars dernier. Un premier verdict est attendu lundi prochain.
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Les militants ont été accueillis par environ 80 sympathisants devant le Tribunal d'arrondissement de La Côte. Les personnes soutenant les zadistes ont dansé devant le tribunal, ont brandi quelques pancartes et applaudi l'entrée des accusés dans le tribunal.
Deux à six mois ferme encourus
Ces sept premiers prévenus risquent de 2 à 6 mois de prison ferme, selon les cas, pour violation de domicile, empêchement d’accomplir un acte officiel et insoumission à une décision de l’autorité.
Certains sont aussi accusés de violence envers les forces de l'ordre. Ces peines pourraient néanmoins être adaptées et allégées, notamment car Holcim a retiré sa plainte pour violation de domicile depuis.
Un réquisitoire "hors de toute proportion"
L'une de leurs avocates, Saskia von Fliedner, s'étonne de la sévérité de la peine demandée à leur encontre. "Dans le cas de mon mandant, le Ministère public requiert deux mois de prison pour une simple manifestation pacifique. C'est hors de toute proportion et contraire au droit international, puisque les pactes de l'ONU empêchent les privations de liberté lorsque des manifestations pacifiques sont faites", a-t-elle dénoncé lundi dans La Matinale de la RTS.
"Il s'agit de peines qui sont assez scandaleuses. A mon sens, il y a clairement une volonté de répression très sévère de la part du Ministère public. En termes de droit, je n'arrive pas à me les expliquer", a-t-elle ajouté.
Procès très observé
La sévérité des sanctions requises - de la prison ferme est rare dans les procès pour désobéissance civile en Suisse - et l'implication d'organisations internationales rendront ce procès très observé (lire encadré).
Autre singularité, la présence annoncée du procureur général Eric Cottier à l'une des audiences lundi matin. La défense y voit la marque "d’un procès politique à peine déguisé", ce que nie Eric Cottier. Selon lui, sa présence s'explique parce que sa pratique a été beaucoup critiquée et remise en cause par la défense et les militants, et qu'il souhaite être là en personne pour y répondre.
Une approche plutôt restrictive de la justice vaudoise
Un verdict exceptionnellement clément pour les zadistes serait surprenant. D'une part, un arrêt du Tribunal fédéral fait désormais jurisprudence en matière de désobéissance civile: l'urgence climatique ne permet pas d'invoquer un état de nécessité licite.
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D'autre part, selon plusieurs avocats qui connaissent bien le dossier, la justice vaudoise aurait une approche plutôt restrictive face à de telles affaires, ce que dénonce d'ailleurs un collectif de soutien aux zadistes.
Le procureur Eric Cottier a ainsi demandé le maintien des ordonnances pénales, rédigées juste après l'évacuation de la colline du Mormont, et qui sanctionnent notamment les activistes par des peines de prison ferme (2 mois dans les affaires jugées lundi).
Il a expliqué que ces sanctions avaient été notamment dictées par le comportement des zadistes, dont la plupart ont refusé de collaborer et, dans un premier temps, de décliner leur identité. "On a le droit de se taire, mais cela n'est pas sans conséquence", a-t-il martelé.
Ce collectif a prévu plusieurs actions en marge des audiences, comme de jouer un "faux procès" avec Holcim dans le rôle de l’accusé afin de remettre leur combat écologiste au centre.
Sujet radio: Julie Rausis
Adaptation web: Vincent Cherpillod
Craintes d'Amnesty et d'experts indépendants de l'ONU
En septembre dernier, Amnesty international avait qualifié les sanctions qui menaçaient les zadistes du Mormont de "disproportionnées", notamment compte tenu du fait que le cimentier Holcim avait retiré sa plainte pour violation de domicile.
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Début novembre, trois experts onusiens indépendants avaient écrit à l'ambassadeur suisse à l'ONU pour lui faire part de leurs "préoccupations" face à de potentielles violations du droit de réunion pacifique, du droit à un environnement sûr, propre, sain et durable et du droit à la liberté d'expression.
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