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"Les procureurs doivent appliquer la loi sans appréciation politique", estime Eric Cottier

Le procureur général vaudois Eric Cottier saisit le Parlement suite aux propos d'une députée socialiste dans le Blick.ch
Le procureur général vaudois Eric Cottier saisit le Parlement suite aux propos d'une députée socialiste dans le Blick.ch / 19h30 / 2 min. / le 1 février 2022
Dans le canton de Vaud, le procureur général Eric Cottier dénonce une atteinte à l'indépendance du pouvoir judiciaire. Une démarche rare, qui fait suite aux vives critiques de la présidente du PS vaudois Jessica Jaccoud sur Blick.ch. Dans une tribune, cette dernière estime que le procureur "s'est ridiculisé" dans le procès des zadistes et lui demande de tirer les leçons de ses erreurs.

Le lundi 24 janvier, les sept zadistes du Mormont écopent de peines légères et même d'un acquittement. Des verdicts très éloignés du réquisitoire du procureur général Eric Cottier.

Jeudi dernier, la députée socialiste Jessica Jaccoud titre sa première chronique dans les colonnes du Blick "Du balai et du sang neuf" et indique à propos du procureur: "Il faut qu'il tire les leçons de ses erreurs et qu'il révoque immédiatement les ordonnances pénales qui pèsent sur les dizaines d'autres militants."

Le Grand Conseil saisi par Eric Cottier

Lundi, Eric Cottier a donc réagi à cette intervention en saisissant le Grand Conseil par le biais d'une lettre, dans laquelle il évoque une menace contre l'indépendance du Ministère public.

Invité du 19h30 mardi, ce dernier a précisé les raisons qui l'ont poussé à cette décision: "La critique est tout à fait admissible. En revanche, ce qui ne l'est pas, c'est qu'une parlementaire, qui n'est pas n'importe quelle parlementaire, appelle clairement le procureur général à rendre des décisions qui vont dans le sens qu'elle veut (...). En cela, elle intervient dans l'activité juridictionnelle du Ministère public, ce que la Constitution et la loi ne lui permettent pas de faire."

Interrogé pour savoir si l'on n'assistait pas là à un problème de génération, et si dans quelques années les décisions du Ministère public vaudois ne seraient pas vues comme d'un autre temps, Eric Cottier réfute.

"Le rôle du Ministère public n'est pas de se demander ce qu'on se dira dans 10 ans. La tâche institutionnelle des procureurs est d'appliquer la loi, de veiller à son application. En cela, ils ne doivent précisément pas intégrer d'ingrédients politiques dans leur appréciation, sans quoi la loi se trouve devenir à géométrie variable, ce qui n'est pas admissible, particulièrement en matière de droit pénal."

>> L'interview intégrale d'Eric Cottier dans le 19h30 :

Eric Cottier, le procureur général vaudois, explique sa démarche auprès du Parlement
Eric Cottier, le procureur général vaudois, explique sa démarche auprès du Parlement / 19h30 / 4 min. / le 1 février 2022

Jessica Jaccoud: "la séparation des pouvoirs n'est pas un collier d'immunité"

Présente plus tôt mardi dans l'émission Forum, la présidente du Parti socialiste vaudois Jessica Jaccoud a estimé de son côté ne pas avoir fait d'erreur et réfute l'idée d'une atteinte à la séparation des pouvoirs.

"Il s'agissait d'une chronique d'opinion politique qui a été publiée dans le journal en ligne le Blick. Je n'ai pas appelé à la démission d'Eric Cottier. Je mettais en avant le procès des zadistes mais également le fait que le mandat du procureur général va arriver à son terme, après 17 ans d'activité, et qu'il est temps qu'un débat politique et public ait lieu sur son bilan et surtout sur l'action pénale qu'on veut pour son ou sa successeur."

Et d'ajouter: "Il faut rappeler que la séparation des pouvoirs n'est pas un collier d'immunité contre toute forme de critique (...) l'objectif de ma chronique, qui exprime mon opinion, n'est en aucun cas une injonction ou une pression quelconque sur le procureur général."

>> Revoir l'interview de Jessica Jaccoud dans Forum :

Plainte d'Eric Cottier: peut-on critiquer un procureur ? Interview de Jessica Jaccoud
Plainte d'Eric Cottier: peut-on critiquer un procureur ? Interview de Jessica Jaccoud / Forum / 6 min. / le 1 février 2022

Droite et gauche divisées sur la question

Au Grand Conseil et sans grande surprise, la droite de l'échiquier politique vaudois soutient la démarche du procureur, comme l'explique Marc-Olivier Buffat, président du PLR Vaud. "Le procureur réagit avec les outils appropriés, à savoir qu'il dénonce cette violation de la séparation des pouvoirs et de la Constitution auprès de la seule autorité compétente du canton de Vaud, la présidence du Grand Conseil."

Sans grand étonnement là aussi, la gauche ne voit pas ici de problème et défend la liberté d'expression de la députée chroniqueuse.

"C'est une critique démocratique dans un espace public de la part d'une députée. Concrètement, elle n'a pas le pouvoir de restreindre l'indépendance du Ministère public. Il n'y a pas de menace et c'est pour cela que je comprends mal cette lettre", estime par exemple Rebecca Joly, députée vaudoise pour les Vert.e.s.

Des positions figées donc, sur lesquelles le Grand Conseil vaudois devra se prononcer.

Tristan Hertig

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