En 1937, l'Université lausannoise (UNIL), qui fêtait alors ses 400 ans d'existence, a décidé de décerner à Benito Mussolini un doctorat honoris causa "pour avoir conçu et réalisé dans sa patrie une organisation sociale qui a enrichi la science sociologique et qui laissera dans l'histoire une trace profonde".
Il faut dire que le chef du régime fasciste italien a fréquenté pendant quelques mois la Faculté des sciences sociales et politiques. A partir de juillet 1902, le futur Duce a passé presque deux ans en Suisse, fuyant la pauvreté et le service militaire dans son pays.
Le débat pour retirer cette distinction décernée au Duce atteint cette fois le Grand Conseil vaudois, où Ensemble à gauche va prochainement déposer une motion en ce sens.
Une distinction "regrettable"
Interrogé mardi soir dans l'émission Forum, le nouveau recteur de l'UNIL Frédéric Herman reconnaît que ce titre "crée un malaise" et est "regrettable".
"Tout ce que j'aimerais dire, c'est que les valeurs de l'Université de Lausanne sont à l'opposé du fascisme. Ce qui est important, c'est de pouvoir regarder son passé. Comme toute institution, on est faillible et dans ce cas-là, on a failli", admet-il.
Procédure de retrait compliquée
La haute école a entrepris une première analyse juridique pour savoir dans quelle mesure il serait possible de retirer ce diplôme honorifique. "Ce serait compliqué et ça l'est d'autant plus à titre posthume", explique Frédéric Herman, qui souligne un risque substantiel de recours.
"L'aspect extrêmement important pour nous, c'est que retirer ce titre à Mussolini, ce serait l'enlever du débat démocratique, ce qui est au coeur du fonctionnement de l'université, c'est notre fonction première", précise le recteur de l'UNIL.
"Assumer son passé"
Depuis une année, l'Université de Lausanne a mis sur pied un groupe d'experts internes qui se penche sur la question et qui devrait terminer son travail "dans quelques semaines", selon le recteur. Objectif: avoir une position institutionnelle claire.
"Le groupe de réflexion a déjà fait quelques propositions. La stratégie est simple: dans un premier temps, nous devons assumer notre passé. Ensuite, nous devons pouvoir informer, et la dernière phase consiste à essayer de réparer, mais surtout s'assurer que cela ne se reproduise pas", détaille Frédéric Herman.
L'Université de Lausanne a publié en 1987 un livre blanc sur le doctorat honoris causa de Benito Mussolini qui contient la correspondance, les procès-verbaux, lettres ouvertes et autres articles de presse relatifs à l'affaire.
Propos recueillis par Renaud Malik
Adaptation web: Jérémie Favre