L'actuelle conseillère d'Etat socialiste en charge des écoles ne s'attendait sans doute pas à une telle punition. Arrivée bonne dernière de l'alliance rose-verte lors du deuxième tour de l'élection au Conseil d'Etat dimanche dernier, Cesla Amarelle a été biffée près de 5600 fois sur les listes de gauche, notamment par le corps enseignant.
"Je crois qu'il y a eu un couplage de choses, la fatigue des enseignants, la gestion de la crise de la pandémie, notamment avec des parents qui ne comprenaient pas nécessairement le port du masque des enfants", analysait Cesla Amarelle dimanche soir dans le 19h30.
Manque de moyens et d'écoute
Au cœur du mécontentement: le concept 360°, chantier phare de Cesla Amarelle en faveur de l'école inclusive pour les élèves à besoin particulier. Une réforme menée tambour battant, mais une tâche "extrêmement difficile", constatait lundi dans le 12h30 Gilles Pierrehumbert, représentant de la Fédération syndicale SUD, sans pour autant prendre position sur les résultats de l'élection.
Et le président de la Société vaudoise des maîtres secondaires de compléter: "Le décrochage entre les ambitions de cette politique et les moyens à disposition sont un élément assez décisif pour les revendications que nous avons à apporter."
Davantage de moyens pour mettre en œuvre les réformes, notamment celle d'une éventuelle maturité gymnasiale en quatre ans, mais aussi plus d'écoute: "Il y a eu un dialogue très difficile pendant ces cinq ans avec Madame Amarelle, qui a très peu entendu ce qui remontait du terrain", regrette Françoise-Emmanuelle Nicolet, présidente de l'association vaudoise des maîtres et maîtresses du gymnase et également membre du syndicat SUD.
Selon elle, "il n'est pas possible de déployer une réforme en imposant les choses sans dialogue et sans prise en compte de ce que dit le terrain", analyse-t-elle. "Surtout qu'il y en a plusieurs en cours de route en ce moment."
>> Lire aussi : Cesla Amarelle dans la tourmente avant les élections cantonales vaudoises
Ministre de la formation, un poste à haut risque
Quoi qu'il en soit, la tête du Département de la formation et de la jeunesse (DFJC) est un poste exposé, occupé par la gauche depuis 28 ans. Avant Cesla Amarelle, deux ministres socialistes se sont cassés les dents à la tête de l'épineux département. En 1998, Jean Jacques Schwaab est écarté après un mauvais score au premier tour. Même sentence pour Francine Jeanprêtre en 2002.
Pour la gauche, la patate chaude doit désormais passer dans l'autre camp. "Je pars du principe que la nouvelle majorité souhaitera endosser la responsabilité de reprendre ce dossier, puisqu'elle a beaucoup fait campagne sur l'école, en particulier en attaquant le bilan de Cesla Amarelle", constate sa colistière socialiste Rebecca Ruiz, réélue dimanche.
Des critiques réitérées par le président du PLR Marc-Olivier Buffat dans Forum dimanche soir. "On ne peut pas utiliser l'école comme bassin d'expérimentation, pour l'école inclusive, un français différent ou la suppression des devoirs à domicile, alors que ça figure dans la loi", estimait-il.
Selon lui, trop de décisions ont été prises sans la bénédiction du Grand Conseil. "Les enseignants et les parents d'élèves aiment la stabilité dans l'école. Le peuple vaudois a voté la LEO (loi sur l'enseignement obligatoire), il faut l'appliquer."
La droite, qui sera majoritaire au Conseil d'Etat dès le 1er juillet, ne revendique pas pour autant le DFJC à ce stade. La répartition des dicastères sera connue après Pâques.
Yoan Rithner et Julie Rausis