"A Lausanne, comme dans d'autres villes, le cannabis est bien présent. Selon les estimations, 6500 personnes en ont consommé durant le mois précédent et 1500 le font quotidiennement", a expliqué mardi Emilie Moeschler", municipale en charge des sports et de la cohésion sociale devant la presse.
"Il est essentiel pour les villes de lancer de telles études expérimentales pour aborder la question de manière objective et dépassionnée", a-t-elle poursuivi. Et de souligner que la capitale olympique "a manifesté, en 2018 déjà, son intérêt pour une expérience pilote, afin de faire évoluer sa politique dans ce domaine".
L’entrée en vigueur d’une modification de la loi fédérale sur les stupéfiants, le 15 mai 2021, a ouvert la voie à des essais pilote strictement encadrés. Berne, Bâle, Genève et Zurich y participent en développant leur propre projet, a rappelé Emilie Moeschler.
Point de vente spécifique et contrôlé
Les produits issus du cannabis seront uniquement vendus aux personnes participant à l’essai, dans un point de vente spécialisé qui devrait se situer au centre-ville. Des consommateurs qui seront suivis sur les 4,5 ans que durera l'essai et dont le comportement sera analysé. Le lieu n'aura pas de connotation médicale, contrairement à la Suisse alémanique qui préfère les pharmacies, a relevé Emilie Moeschler.
Le projet pilote s’adresse aux habitants de Lausanne majeurs, qui consomment déjà du cannabis et ne présentent pas de critères d'exclusion. Les personnes intéressées peuvent s’informer au sujet de leur éligibilité et des prochaines étapes du projet sur le site www.cann-l.ch.
La ville a l'ambition de concurrencer le marché noir en vendant un produit de qualité contrôlée, local, qui ne contient pas plus de 20% de THC (la molécule active du cannabis) et issue de agriculture biologique.
Conformément à la législation fédérale, la consommation sera limitée à l’espace privé. Les produits achetés ne pourront être transmis ou revendus à des tiers. Le coût, qui concerne essentiellement le financement de la recherche, se monte à environ 380'000 francs par an.
La Ville a choisi comme partenaire Addiction Suisse, acteur reconnu dans le domaine des addictions, pour diriger le volet scientifique. Le pilotage de la vente de cannabis est confié à une nouvelle association à but non lucratif. Elle porte le nom de Cann-L, pour " Cannabis Lausanne – L’alternative responsable au cannabis illégal".
Le prix sera identique à celui du marché noir, soit entre 10 francs et 13 francs le gramme. Des quantités maximales sont fixées (10 grammes de THC par mois), mais elles devraient suffire à un consommateur intensif, a observé Frank Zobel, directeur adjoint d'Addiction suisse.
"Tenter de faire mieux que l'interdiction"
"Le but est de savoir si on peut faire mieux que l'interdiction", explique Franck Zobel. "Toutes les grandes villes de Suisse vont avoir leur modèle. On pourra comparer et voir si vraiment c'est une bonne idée de légaliser le cannabis et de le réguler", avance l'expert.
"Sur les près de 6500 consommateurs de cannabis, on espère avoir 1000 à 1200 personnes dans l'essai", détaille Franck Zobel. Le but est de pousser ces consommateurs à abandonner le marché illégal tout en profitant d'avoir accès à ces gens pour faire de la prévention et réduire les risques, notamment auprès des jeunes adultes.
Moins de nuisances
En termes de sécurité, le projet permettra de limiter les nuisances engendrées par le marché illégal, estimé à 9 millions en 2020. "La police aura pour rôle de surveiller les sites de production, d'identifier le cannabis issu du projet de celui du marché noir et de suivre l'impact sur ce dernier", a détaillé Pierre-Antoine Hildbrand, municipal en charge de la sécurité et de l'économie.
Questionné sur les avantages de participer à ce programme, Pierre-Antoine Hildbrand relève qu'il permet d'être dans la légalité, d'être rassuré sur la qualité des produits et de mieux gérer sa consommation.
>> Lire aussi : Le cannabis, ses consommateurs et son marché sous la loupe de chercheurs
cab avec ats