A l'heure de clore ce grand chapitre professionnel, dans quel état d'esprit se trouve l'ancien juge d'instruction? "Je suis de plus en plus décontracté, parce que depuis une quinzaine de jours, ma successeure (ndlr: Sylvie Bula) est dans les murs. Les choses se déroulent de manière harmonieuse. Je pars sans appréhension, ni pour moi, ni pour elle", explique Jacques Antenen mardi dans La Matinale de la RTS.
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Sa carrière en tant que commandant de la Police cantonale vaudoise a débuté en août 2009 dans un contexte tendu, marqué par une guerre des chefs interne et le vote sur la police unique, qui a finalement débouché sur un modèle de police coordonnée. "La sérénité est revenue. Le temps a passé et les collaborations se sont mises en place, notamment à travers l'expérience Covid qui a nécessité la mise en place du plan ORCA, lequel a forcé les forces de police du canton à collaborer", déclare le futur retraité.
Nouveaux phénomènes et intolérance
En treize ans, Jacques Antenen a vu sa police évoluer "au fil des pressions imposées" par les nouvelles affaires et l'évolution sociale: "On a assisté à l'émergence de plusieurs phénomènes, comme la désobéissance civile, qui nécessite de nouvelles réponses. Il y a aussi cette augmentation constante de la population vaudoise, voulue par nos autorités, mais qui nécessite une adaptation en termes de ressources et de personnel pour maintenir un niveau sécuritaire satisfaisant."
Autre constat du chef de la police vaudoise, une montée de l'intolérance des gens qui est "assez préoccupante", relève-t-il, avant de développer ses propos: "Récemment, nous faisions un bilan habituel avec la gendarmerie sur ce qu'il s'est passé durant un week-end. Quand vous apprenez que les agents du canton ont été appelés à 110 reprises pour répondre à des appels de citoyens se plaignant de nuisances sonores, certains à partir de 21h00, vous vous dites qu'il y a un problème dans cette société. La marge de tolérance a diminué, mais c'est aussi dû à un manque d'égard de certaines parties de la population. Il y a les deux phénomènes, qui sont assez évidents sur ces dernières années."
Pour plus de femmes cadres
Au total, 23% de femmes composent l'effectif de la Police cantonale. Concernant leur recrutement, Jacques Antenen se dit optimiste. "Nous avons de plus en plus de candidatures de femmes pour tous les corps de police. Je pense qu'on va vraiment dans le bon sens. Mais il y a des efforts à faire en ce qui concerne le positionnement des femmes dans la police et notamment les postes de cadres", relève-t-il.
Le commandant l'explique par plusieurs facteurs: "Les promotions sont encore trop basées sur l'ancienneté. Les femmes présentent des lacunes de durée d'engagement, parce qu'elles s'absentent notamment pour des raisons de maternité. C'est quelque chose que nous devons corriger."
Autre défi pour la Police cantonale: les cybercrimes. "C'est dans ce domaine qu'on assiste à une augmentation exponentielle des cas. Les gens se laissent attirer dans des schémas qui les conduisent tôt ou tard à faire des sacrifices financiers dévastateurs. Il est difficile de retrouver le butin une fois que le clic fatal est fait", résume-t-il.
Une retraite active
Après treize ans de bons et loyaux services, Jacques Antenen va donc prendre sa retraite. Enfin, une semi-retraite, puisqu'il continuera certains mandats parallèles à son poste de commandant.
"Ces prochaines semaines seront assez occupées. J'ai toujours eu une activité accessoire dans le monde du sport international. Dans l'immédiat, je vais aller fonctionner comme délégué de match en Europe, pour faire en sorte que les conditions d'organisation et de sécurité soient les mêmes sur tous les stades d'Europe pour garantir un déroulement équitable pour toutes les équipes qui participent", explique l'ancien juge.
Propos recueillis par Benjamin Luis
Adaptation web: Jérémie Favre
Un regret, l'affaire des jumelles de Saint-Sulpice (VD)
L'affaire dite des jumelles, Alessia et Livia, enlevées par leur père en 2011 à Saint-Sulpice (VD), est celle qui a le plus marqué la carrière de Jacques Antenen à la tête de la Police cantonale. Accusée à l'époque de lenteur, l'enquête policière continue, mais les jumelles restent introuvables.
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"C'était la plus tragique. C'est quelque chose qui nous reste en travers de la gorge, parce qu'on aurait vraiment voulu retrouver ces deux enfants, ne serait-ce que par égard pour leur maman. Ça a été impossible jusqu'à aujourd'hui, mais ça reste un 'cold case' comme on dit, où toutes les pistes sont exploitées", réagit le commandant.
"J'espère fermement qu'un jour nous aurons la réponse. C'est une affaire qui va me poursuivre et je sais que le jour où j'apprendrai qu'on a retrouvé les deux jeunes filles, j'éprouverai un immense soulagement", estime-t-il.