En apparence, les travaux d'agrandissement et de modernisation de la gare de Lausanne vont bon train. Démolition de bâtiments, détournement des canalisations, quatrième voie en cours de construction entre Lausanne et Renens.
Or, dès qu'on franchit les palissades de chantier blanches érigées sur la place de la gare, surprise: pas l'ombre d'une pelleteuse. C'est pourtant à cet endroit que l'édifice doit entamer sa métamorphose. "Aujourd'hui, on n'a pas les autorisations pour faire les forages", déplore dans le 19h30 Grégory Coderey, ingénieur et membre de la direction du projet.
Un chantier à l'arrêt, de quoi faire bondir le conseiller aux Etats vaudois Olivier Français (PLR). "Ça devient vraiment pénible, d'abord pour les usagers mais aussi au niveau des conséquences financières", relève le Lausannois.
"Il y a une année, on savait déjà qu'il y avait des problèmes de procédures", poursuit celui qui est aussi membre de la Commission des transports du Conseil des Etats. "On avait néanmoins des assurances de la part de l'Office fédéral des transports (OFT) que tout serait réglé dans les plus brefs délais. Je constate une année plus tard que ce n'est pas le cas", déplore-t-il.
Obstacles techniques
A l'origine de ce blocage, des charges, autrement dit des améliorations techniques, exigées par l'OFT. Elles étaient au nombre de 200 lors de l'entrée en force du permis de construire en juin 2019. Ces points d'accroche concernent notamment deux phases cruciales des travaux: l'élargissement des quais et la construction des trois passages sous-voies. Ceux-ci permettront des connexions avec le métro M2 et la future ligne du métro M3.
Problème: il reste actuellement une centaine de charges à lever. "Aujourd'hui, on mobilise plus d'une centaine de personnes pour produire les plans et les réponses", déclare Astrid Etienne, responsable du projet de la gare de Lausanne. "Cette gare finira bien par être construite, mais on attend ces autorisations..."
L'OFT s'en tient au planning
Malgré ces embûches, l'OFT dit s'en tenir au planning fixé en février dernier, à savoir démarrer le gros des travaux d'ici à la fin de l'année. Les autorités politiques, elles, se montrent plus sceptiques. "Je ne vous cache pas mon inquiétude", déclare Nuria Gorrite, conseillère d'Etat vaudoise en charge des infrastructures.
"La promesse de l'OFT a été faite. Je ne peux pas m'imaginer qu'elle ne serait pas tenue, compte tenu de l'ampleur des travaux et de leur importance stratégique, non seulement du nœud ferroviaire lausannois, mais également pour l'ensemble de la Suisse romande", souligne la conseillère d'Etat.
Le programme Léman 2030, dont la nouvelle gare de Lausanne est l'un des projets phares, prévoit en effet un doublement des places assises entre Lausanne et Genève. Grâce aux travaux, la gare de Lausanne pourra accueillir 200'000 utilisateurs par jour d'ici 2030, contre 120'000 aujourd'hui.
Critiques envers l'OFT
Les autorités politiques reprochent par ailleurs à l'OFT son excès de zèle et de formalisme dans le traitement des charges, ce que sa direction récuse. "C'est important que la gare fonctionne, et qu'elle soit sûre", insiste la sous-directrice de l'OFT Anna Barbara Remund.
L'OFT affirme qu'une douzaine de personnes (essentiellement des ingénieurs et des juristes) travaillent sur le dossier de la gare de Lausanne, dont certaines presque exclusivement. "Nous mettons tout en œuvre pour que l'objectif commun soit atteint. Et nous attendons de nos partenaires qu'ils fassent de même", lance Anna Barbara Remund.
Bras de fer entre l'OFT et les CFF
Une déclaration qui reflète une certaine tension entre l'OFT et les CFF. Tous deux se renvoient la balle, s'accusant mutuellement d'un manque d'efficacité. Avec en toile de fond, un jeu de pouvoir autour du contrôle des projets ferroviaires. Or c'est bien l'OFT, en tant qu'autorité de tutelle des CFF, qui tient le couteau par le manche.
Devisée à 1,3 milliard de francs, la modernisation de la gare accuse déjà plusieurs années de retard. "Aujourd'hui, on peut s'attendre à 10 à 20 millions de coûts supplémentaires. C'est de l'argent gaspillé", déplore Olivier Français.
Yoan Rithner