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Avant le procès de l'attentat de Nice, une Vaudoise témoigne: "Je n'ai qu'une question, pourquoi?"

Inès Gyger, une Vaudoise parente de victimes de l'attentat de Nice. [RTS - Martine Clerc]
Le procès de l’attentat de Nice de 2016 s’ouvrira le 5 septembre / La Matinale / 4 min. / le 2 septembre 2022
Il y a six ans, l'attentat de Nice endeuillait la France, ainsi que les familles des nombreuses victimes de tous pays mortes dans cette attaque djihadiste. La Vaudoise Inès Gyger, qui y a perdu sa fille et sa petite-fille, se dit prête pour le procès qui débute lundi. Son témoignage.

Le procès de l'attentat de Nice, une attaque au camion fou qui avait fait 86 morts et 400 blessés le 14 juillet 2016, s'ouvre lundi à Paris. Très attendu, ce procès fleuve devrait durer jusqu'au 16 décembre, et marque l'épilogue de l'une des pires attaques djihadistes qu'ait connue la France.

Ce soir de fête nationale française, de nombreux touristes étaient présents sur la célèbre Promenade des Anglais. Trois Suisses figurent parmi les victimes de l'attaque, qui a été revendiquée par le groupe Etat islamique. Lundi toutefois, la Cour d'assises spéciale de Paris ne jugera pas l'auteur principal de l'attaque, abattu sur place par la police, mais huit personnes soupçonnées de l'avoir aidé.

"Je suis prête depuis le 14 juillet 2016"

Des parties civiles en Suisse se rendront à Paris pour témoigner à ce procès. C'est le cas d'Inès Gyger. Cette Brésilienne du Nord vaudois a perdu sa fille et sa petite-fille dans l'attentat. Cristina avait 31 ans, Kayla, 6 ans. Elles vivaient à Yverdon-les-Bains et étaient en vacances à Nice avec le papa et les deux petites soeurs, qui en ont réchappé.

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Inès Gyger attend encore la date de sa convocation. Elle a reçu la RTS dans son appartement, entourée de photos de famille. Résiliente, elle a appris à vivre avec une douleur encore vive, et elle attend ce procès depuis longtemps.

"Je suis prête depuis le 14 juillet 2016. Je n'ai qu'une question: pourquoi? Ces personnes, ces enfants, n'ont rien fait. Elles étaient là pour faire la fête, en famille. Ils ne vont pas revenir, mais on voudrait une réponse. Peut-être qu'avec cela, les proches vont pouvoir faire leur deuil. Il n'y a pas eu seulement 86 morts, on peut tripler les dégâts, physiquement et psychologiquement. Peut-être qu'après cela, à défaut de reprendre une vie normale, ils pourront avancer", espère-t-elle.

Que l'auteur principal de l'attentat ne soit pas à la barre des accusés lui importe peu. "J'ai déjà pardonné à cette personne: il est mort, et il n'était pas dans un état normal. Une personne normale ne fait pas de choses aussi atroces."

Le processus de réparation psychique est ponctué par les temps judiciaires, même si ceux-ci, de par les besoins de l'enquête, prennent souvent beaucoup de temps.

Marie Anne Gury, psychologue

"Les victimes peuvent attendre une forme de reconstruction, qui leur donne des éléments de réponse, au moins sur la chronologie et peut-être sur les intentions de l'auteur", explique dans La Matinale Marie Anne Gury, psychologue, spécialiste en victimologie et experte judiciaire au Tribunal de Lyon.

La temporalité judiciaire et la temporalité psychique ne sont pas les mêmes, mais elles sont interdépendantes, note l'experte. "La première a une incidence sur la seconde, et le processus de réparation psychique va être ponctué par les temps judiciaires, même si ceux-ci, de par les besoins de l'enquête, prennent souvent beaucoup de temps."

Au moment d'assister au procès, Inès Gyger dit puiser sa force dans son espoir pour un monde meilleur: "je ne voudrais pas qu'il y ait d'autres Kayla et d'autres Cristina à travers le monde."

Par flashes, Inès Gyger se souvient de cette terrible soirée. A l’heure de l’attentat, elle terminait sa tournée d'aide-soignante chez une patiente. C'est là qu’elle découvre les images en direct sur la TV allumée. "J'ai vu une poussette, qui ressemblait à celle de ma fille. Cristina n'a pas téléphoné, alors j'ai téléphoné en France, mais ça ne répondait pas", raconte-t-elle.

"Seigneur, donne-moi de la force"

Commence alors une nuit d’angoisse jusqu'au coup de fil du consul honoraire de Suisse à Nice, qui lui annonce le décès de Kayla, et l'informe qu'ils sont sans nouvelles de Cristina.

Dès le lendemain, Inès Gyger se rend à Nice. Elle cherchera sa fille Cristina dans tous les hôpitaux de la ville, pour finalement apprendre son décès. Après le drame, c'est la foi qui lui a permis de tenir de coup. "Je pense beaucoup à elles", explique-t-elle en montrant des photos de famille, témoins des "beaux moments". "Mon livre préféré, c'est la Bible, je la lis tous les matins", enchaîne-t-elle. "Il y a un verset qui dit 'Aide-toi et le ciel t'aidera'. Tous les jours, le matin, je me dit 'Seigneur, donne-moi la force.'"

>> Ecouter aussi l'éclairage de La Matinale sur un centre de suivi psychologique d'enfants, mis sur pied après l'attentat de Nice :

L'enfance. [Fotolia - altanaka]Fotolia - altanaka
Après l'attentat de Nice, un centre prend en charge les enfants traumatisés / La Matinale / 1 min. / le 2 septembre 2022

Sujet radio: Martine Clerc

Adaptation web: Katharina Kubicek

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