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Le Conseil communal de Prilly se déchire sur le destin d'un terrain à 62 millions

Le terrain d'une surface de 20'000 m2 est situé près du centre-ville de Prilly. [Google Maps]
A Prilly, la droite a tout tenté pour empêcher l'exécutif de faire usage de son droit de préemption sur un terrain / La Matinale / 2 min. / le 21 septembre 2022
Pour la deuxième fois en moins d'une semaine, la droite du Conseil communal de Prilly a tout tenté mardi soir pour empêcher l'Exécutif de faire usage de son droit de préemption afin d'acquérir un terrain au centre-ville. Le préavis est finalement passé in extremis.

Il est 22h15 mardi soir, lorsqu'une vingtaine d'élus bourgeois - PLR, UDC, Vert'libéraux et Centre - quittent la salle avant la fin de la séance sous les huées des partis de gauche. Objectif: empêcher l'assemblée communale d'atteindre le quorum pour voter et ainsi enterrer définitivement un préavis de l'Exécutif qui fait polémique au-delà de l'Ouest lausannois.

Le scénario de mardi a été presque identique à jeudi dernier, à un détail près: deux élus bourgeois (contre un mardi) ont décidé de rester dans la salle avec les 35 élus de gauche, permettant au quorum d'être atteint in extremis. La majorité de gauche est parvenue à faire passer la rampe au préavis, alors qu'il s'agissait du tout dernier moment pour respecter le délai légal.

>> Le départ de la droite jeudi dernier lors de la séance du Parlement :

Jeudi 15 septembre, la droite de Prilly quitte le Parlement
Jeudi 15 septembre, la droite de Prilly quitte le Parlement / L'actu en vidéo / 32 sec. / le 21 septembre 2022

L'ampleur du projet aiguise les tensions. La ville de Prilly souhaite faire usage de son droit de préemption - comme le permet la nouvelle loi sur la préservation et la promotion du parc locatif (LPPPL) entrée en vigueur le 1er janvier 2020 - sur une parcelle de 20'000 m2, proche du centre-ville, évaluée à 62 millions de francs, afin d'y bâtir 200 logements à loyers abordables, via la Société coopérative d'habitation Lausanne (SCHL).

La SCHL passerait ainsi devant un groupe de 3 acquéreurs privés, qui ont déjà signé une promesse de vente. C'est la première fois sur sol vaudois que ce nouveau droit de préemption qui permet à une commune d'intervenir au dernier moment sur l'achat d'un bien privé s'appliquerait à un objet d'une telle valeur.

Pour tenir les délais légaux liés à ce type de transaction, l'Exécutif de Prilly a dû agir vite. Il a convoqué en urgence le plénum une première fois, le 16 septembre, pour lui soumettre son projet. A cette occasion, la droite avait déjà quitté la salle, empêchant le vote d'avoir lieu, faute de quorum.

Entre "république bananière" et dépit

La droite dénonce un préavis douteux, remettant en question la forme et le fond du projet. "Il y a un déni complet de démocratie. Il y a le refus d'appliquer le règlement. Naturellement, nous ne pouvons pas rester dans une république bananière comme ça", réagit l'édile Fabien Deillon (UDC) dans La Matinale.

A gauche, c'est le choc. De mémoire d'élu, on n'avait jamais vu ça. La socialiste Partizia Clivaz est atterrée: "Cela montre qu'ils ne supportent pas de perdre. Ils ne supportent pas d'être minoritaires et c'est le seul moyen qu'il leur reste."

Je ne sais pas comment nous allons pouvoir travailler dans les quatre ans qui viennent. Ça m'inquiète beaucoup

Maurizio Mattia (Vert-e-s), municipal

Le municipal vert Maurizio Mattia, en charge des domaines, du patrimoine et des bâtiments, peut respirer. Cette victoire a toutefois un goût amer: "Je suis assez dépité, même si au final, ce préavis passe, mais ce n'est pas une bonne soirée", concède-t-il.

"Le message qu'envoie la droite est dur. Elle préfère nier la démocratie. Je ne sais pas comment nous allons pouvoir travailler dans les quatre ans qui viennent. Ça m'inquiète beaucoup", regrette encore le vice-syndic au micro de la RTS.

Le chemin avant la construction de logements abordables sera encore long. Des recours sont déjà promis par les opposants.

En vigueur notamment dans les cantons de Vaud et de Genève, ce droit de préemption ne suscite pas toujours de telles crispations. Les villes de Lausanne ou Vevey en ont par exemple fait usage ces derniers mois sur différents objets. Mais le sujet reste épidermique et le clivage gauche-droite n'est jamais loin quand il s'agit pour les collectivités d'intervenir sur le marché immobilier.

Martine Clerc/jfe

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