La secrétaire municipale adjointe avait subi les remarques et le comportement inappropriés de son chef pendant des semaines. Après les avoir dénoncés, elle a été reconnue victime. Et pourtant, elle se trouve désormais sous le coup d'une procédure de licenciement depuis fin septembre, contre laquelle elle a fait recours. Elle n'a pas souhaité commenter la décision.
Petit rappel des faits: en été 2021, six cadres, dont la fonctionnaire en question, accusent le secrétaire municipal, bras droit du syndic Daniel Rossellat, de harcèlement moral et de mobbing. Elise Buckle, municipale verte fraîchement élue, accompagnée du chef du service RH, se fait leur porte-voix et dénonce les faits à l'ensemble de l'exécutif.
La crise s'étale dans les journaux quelques semaines plus tard, en novembre. Le rapport d'un expert indépendant reconnaît des propos potentiellement "blessants, dénigrants, humiliants" du secrétaire municipal et conclut qu'il a violé ses devoirs de fonction. Il écope d'un blâme avec menace de révocation. Il reste toutefois en fonction. "Je répète, il n'y aura pas de licenciement, ce n'est pas prévu par le rapport", déclare à l'époque Daniel Rossellat.
A l'époque, le Syndicat des Services Publics (SSP) critique vivement le syndic et sa gestion de la crise. Il l'accuse de vouloir étouffer l'affaire.
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Refus de changer de poste
Un fonctionnaire reconnu fautif toujours en poste, une victime avérée licenciée: comment justifier cette issue? Selon la Municipalité, un transfert dans une autre unité lui a été proposé, mais elle l'a refusé.
"Par mesure de protection, afin d'éviter des conflits et de respecter sa personnalité, le rapport recommandait le déplacement de la secrétaire municipale adjointe dans un autre service", explique Alexandre Démétriadès, le municipal socialiste en charge des ressources humaines.
"Sur la base de cette recommandation, la Municipalité lui a proposé un poste dans un autre service, avec maintien des conditions salariales et en lui proposant une formation. La proposition de déplacement ayant été refusée par l'intéressée, la décision qui en découle est l'ouverture d'une procédure de licenciement", indique l'élu.
Autres fonctionnaires sur la touche
D'après l'enquête de la RTS, les autres personnes qui ont dénoncé le secrétaire municipal ont quitté d'une manière ou d'une autre leur fonction. Ainsi, une cheffe de service a vu son poste être supprimé et a été rétrogradée. Deux cadres ont démissionné à la première occasion. Deux autres ont été en arrêt maladie pour une longue durée. Le chef des ressources humaines est sur le départ après un accord de résiliation. D'après nos informations, il aurait jeté l'éponge après des mois de mise à l'écart.
La municipale Elise Buckle est de son côté toujours mise à pied, suite à la plainte pénale pour violation du secret de fonction déposée par ses collègues de l'exécutif communal. Le Conseil d'Etat a prolongé sa suspension (qu'il avait prononcée) jusqu'à la fin de l'année.
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La Municipalité dément "avoir fait le ménage"
"La Municipalité dément fermement avoir fait le ménage au sein de son administration et avoir épargné quiconque", se défend Alexandre Démétriadès.
"Elle a suivi les recommandations de l'ancien juge Muller, notamment en prononçant la plus importante sanction avant licenciement à l'égard du secrétaire municipal, sanction que ce dernier a acceptée. Elle a également entrepris de nombreuses démarches visant à ramener le calme au sein de l'administration", argumente-t-il.
"Très inquiétant"
Tout le monde ne l'entend pas de cette oreille. Pour le Syndicat des services publics (SSP), la Municipalité a voulu étouffer l'affaire en écartant les dénonciateurs.
"Pour nous c'est très préoccupant, c'est le résultat aussi d'une impunité", lance Letizia Pizzolato, secrétaire syndicale du SSP. "Impunité d'un chef de service pas sanctionné. Mais aussi l'impunité d'une Municipalité qui ne prend pas ses responsabilités, qui s'attaque aux lanceurs d'alerte, aux victimes. Là, je pense qu'on a un signal très inquiétant de voir que la Municipalité franchit ce pas supplémentaire de licencier une victime."
Selon Letizia Pizzolato, l'administration nyonnaise dysfonctionne. "Les collaborateurs en souffrance ne savent plus où s'adresser, n'osent plus s'adresser à un interlocuteur de référence", déplore-t-elle.
Le syndicat devrait interpeller le Conseil d'Etat vaudois ces prochains jours, pour qu'il intervienne dans ce qu'il nomme une "zone de non-droit".
Flore Amos, Pôle Enquête /ami