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L'irrigation à la rescousse de la vigne vaudoise contre le réchauffement

L'irrigation à la rescousse du vin vaudois contre le réchauffement climatique [Keystone - Valentin Flauraud]
La viticulture vaudoise envisage l’irrigation en continu des parcelles / La Matinale / 4 min. / le 30 novembre 2022
La viticulture vaudoise veut lutter contre le réchauffement climatique et anticiper ses conséquences. L'irrigation en continu des parcelles est l'une des solutions envisagées par la section Lavaux de la Fédération vigneronne vaudoise.

Préserver la qualité, maintenir les rendements, protéger et développer le savoir-faire du vin: alors que les étés chauds et secs se multiplient, cette section pense sérieusement à la solution de l'irrigation. Le lac Léman est en effet un formidable réservoir d'eau. Quand les raisins sont assoiffés par les canicules, l'idée de pomper l'eau du lac semble une évidence, encore plus après les vendanges précoces de l'été 2022, un été particulièrement chaud.

D'ailleurs, fin octobre, la section Lavaux de la fédération vigneronne vaudoise a débattu de cette solution en assemblée extraordinaire.

"J'ai repris l'entreprise familiale en 2015", explique son président Basile Monachon, vigneron à Rivaz, "et en seulement 8 ans, j'ai vécu plus d'années de sécheresse que mon père pendant toute sa carrière, qui est très longue", raconte-t-il. "On voit bien que les épisodes de sécheresse s'allongent, que les chaleurs augmentent, donc naturellement, quand vous travaillez avec les plantes, l'arrosage est quelque chose d'assez instinctif. En Lavaux, cela nous apparaît comme une solution essentielle."

L'irrigation interroge

Dans la région, les vignerons sont majoritaires à vouloir d'abord étudier cette solution, car l'irrigation divise la profession. Basile Monachon explique qu'à ce stade, les vignerons sont encore en "balbutiements", donc "dans une phase de collecte d'informations".

 "Il y a quand même dans ce changement climatique quelque chose qui brouille beaucoup les pistes", explique le vigneron de Rivaz. "Vous prenez l'année 2022: elle a été très chaude et sèche. Vous prenez l'année 2021: il a plu sans arrêt. "

Donc, "chaque vigneron interprète un peu la chose. Ces gens-là sont moins enclins à dire: "il faut absolument qu'on irrigue les vignes". Mais quand même, ceux qui doutaient le plus de l'irrigation, maintenant, ils disent bien qu'il faudra qu'on y arrive un jour", conclut Basile Monachon.

25% du PIB agricole vaudois

Le secteur vitivinicole représente 25% du PIB agricole vaudois, avec 1370 entreprises dont 450 encaveurs. Une manne importante pour le canton de Vaud, qui a annoncé il y a deux semaines un plan de soutien dans lequel la question de l'irrigation est aussi soulevée.

Olivier Viret, chef du Centre de compétences vitivinicole du canton, le confirme. A l'instar du Valais et de ses bisses, le canton de Vaud doit identifier les zones où l'irrigation pourrait être un plus, et mieux gérer l'eau.

C'est aussi ce qui a motivé le dépôt d'un postulat au Grand Conseil par Maurice Neyroud, député PLR, vigneron et encaveur à Chardonne, qui demande de faire un état des lieux afin de voir les particularités des régions viticoles.

Gros investissements

"Sur la Côte, c'est différent qu'en Lavaux. D'un village à l'autre, ça sera aussi différent. Avant de faire quoi que ce soit, il faut faire un état des lieux. On sait que ce sera de gros investissements", explique l'élu.

Les équipements pour l'irrigation ont des prix variables. Tout dépend des installations et des techniques utilisées. De 3 à 4 francs le mètre carré, jusqu'à 10 francs pour des systèmes de goutte à goutte perfectionnés. La facture monte donc vite à entre 30 et 100'000 francs l'hectare.

Le Plan de soutien à la viticulture est doté de 2 millions de francs par année pour les seules études. Si des installations fixes sont réalisées, les investissements seront pris en charge par le budget des améliorations foncières. Les sommes pourraient être conséquentes. Elles nécessitent que les vignerons s'unissent.

Il en va de même pour la gestion de cette eau, qu'elle provienne du lac ou de la récupération des pluies, histoire de ne pas entrer en concurrence avec l'eau du réseau des particuliers.

Point de vue des scientifiques

L'irrigation est parfois nécessaire mais ne peut pas être la réponse unique, selon les scientifiques. C'est en tout cas la position de la station fédérale d'oenologie de Changins. Pour Vivian Zufferey, chercheur à l'Agroscope, les viticulteurs et viticultrices ont "très bien intégré ce réchauffement climatique", une "très grande préoccupation" pour eux.

Il explique que "la branche viticole essaie de trouver des solutions techniques mais aussi d'adaptation au terroir, c'est-à-dire planter le bon cépage au bon endroit, sans devoir ensuite irriguer et amener des intrants".

En outre, "un viticulteur sait que la vigne doit souffrir un petit peu, avoir une bonne restriction en eau. Mais par contre, quand elle devient très importante, là il faut agir. Et c'est vrai que la solution de facilité, c'est d'arroser les vignes, quand on peut le faire, quand on a l'infrastructure", conclut le chercheur.

Alors, l'irrigation est-elle une facilité ou une nécessité? En France, le débat sur les bienfaits ou non de l'irrigation de la vigne fait rage depuis longtemps. De toute évidence, ce débat s'est invité dans le canton de Vaud, qui fait face à un réservoir d'eau bien connu, le Léman.

Sujet radio: Xavier Alonso

Adaptation web: Julien Furrer

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