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Les "gardiens" du pont Bessières, des anges qui veillent sur les âmes tristes

À Lausanne, des bénévoles se relaient sur le pont Bessières durant les fêtes de fin d’année afin de prévenir les actes désespérés
À Lausanne, des bénévoles se relaient sur le pont Bessières durant les fêtes de fin d’année afin de prévenir les actes désespérés / 19h30 / 1 min. / le 30 décembre 2022
Les "gardiens" du pont Bessières sont bien connus des Lausannoises et Lausannois. Depuis plus de quarante ans, des bénévoles se relaient durant les fêtes de fin d'année pour prévenir les tentatives de suicide sur le pont Bessières.

En cette fin d'année marquée par deux ans de pandémie, la guerre en Europe et l'inflation, ils semblent plus nécessaires que jamais.

Sur le pont Bessières, depuis plus de quarante ans, un feu brûle chaque fin d'année. Ni le froid, ni la pluie, ni la nuit qui tombe semblent affaiblir cette flamme.

Le pont Bessières pourrait être entièrement sécurisé l’année prochaine. [Keystone - Dominic Favre]
Le pont Bessières pourrait être entièrement sécurisé l’année prochaine. [Keystone - Dominic Favre]

"Le feu, c'est l'alibi: 'Ah votre feu, il est super', nous dit-on. Alors les gens s'arrêtent. Ils commencent à discuter s'ils voient qu'on les écoute et qu'on est neutre. Alors ils commencent à se dévoiler, à parler de leurs soucis," explique Herbert Stock, coresponsable du Feu solidarité Bessières, vendredi dans le 19h30 de la RTS.

Sur le pont depuis 42 ans

La première veille remonte à 1980. Joël, un militant de Lôzane Bouge, assiste au suicide d'un homme, depuis le pont Bessières. Marqué, il décide de planter une tente sur le pont pour éviter qu'un tel drame ne se reproduise. "Les amis des Joël" le rejoignent. Depuis, le feu brûle chaque année.

Un feu pour réchauffer les âmes tristes, et les mains des bénévoles, qui veillent. Depuis le 22 décembre, ils sont une quarantaine à se relayer pour prévenir les actes désespérés. Pour Martin Ries, bénévole, c'est sa première année sur le pont.

"On pourrait penser qu'avec le froid et la pluie, c'est compliqué, mais les veilles se passent bien. On regarde les gens qui passent, ceux qui font les cent pas, qui déambulent parfois sans but, on a un œil sur le pont, à droite, à gauche. Il y a des gens qui ont peut-être besoin d'écoute. On est vraiment là pour tendre la main, mais on ne se substitue à aucun médecin ou aucune ambulance, on fait de la prévention et de l'écoute," raconte le bénévole.

Si nécessaire, les bénévoles n'hésitent pas à appeler la police ou orienter ceux qui le souhaitent vers des structures professionnelles.

L'importance de prêter une oreille bienveillante

Interrogé dans le 19h30 de la RTS, le directeur de l'association Stop Suicide Raphaël Thélin explique que ces personnes bénévoles peuvent vraiment sauver des vies.

Une personne avec des idées suicidaires, "si elle se trouve finalement à pouvoir rencontrer quelqu'un qui est disponible, qui est à l'écoute, avec qui elle va pouvoir parler, déposer cette souffrance, mettre de l'ordre dans ses idées et ses émotions, ça peut être le coup de pouce qui lui permet de se calmer, de faire diminuer un petit peu ce pic de souffrance qui est vraiment insupportable, et de la redescendre à un niveau qui est supportable pour trouver une autre issue à long terme".

"Première cause de mortalité chez les jeunes"

Il rappelle que "le suicide est en effet la première cause de mortalité chez les jeunes en Suisse, déjà avant la pandémie" de Covid, et que "les chiffres de 2020 font état d'une augmentation du suicide pour les jeunes spécifiquement", et pas dans la population générale.

Il ajoute qu'il y a aussi "une augmentation des hospitalisations pour les gestes suicidaires, en particulier chez les jeunes femmes".

"Signaux du mal-être"

Il appelle à veiller aux signaux d'alerte. Une liste des "signaux du mal-être" est disponible sur le site de Stop Suicide. "Plus généralement, il est très important de suivre son intuition", explique aussi le directeur de Stop Suicide. "Quand on pense qu'un proche va mal, sûrement, il y a quelque chose."

"La seule manière de savoir si c'est une déprime passagère ou s'il a des idées suicidaires, c'est de demander ouvertement. Il n'y a pas de risques à demander à quelqu'un: 'est-ce que tu penses au suicide?'. C'est même quelque chose qui va souvent soulager."

>> Voir l'intervention de Raphaël Thélin dans le 19h30 :

Prévention du suicide: Raphaël Thélin, directeur de l’association Stop Suicide, évoque les initiatives de solidarité et les signaux d’alerte
Prévention du suicide: Raphaël Thélin, directeur de l’association Stop Suicide, évoque les initiatives de solidarité et les signaux d’alerte / 19h30 / 2 min. / le 30 décembre 2022

Travaux de sécurisation du pont Bessières

Cette année encore, le pont a connu des travaux de sécurisation. Des parois en verre de près de deux mètres ont été installées aux extrémités par la ville. Mais les "gardiens saisonniers" du pont rêvent qu'il soit un jour transformé.

"On peut fantasmer un peu. Je le verrais avec de la verdure, des arbres pourquoi pas, carrément au milieu du pont, et que les gens ne stressent pas en traversant ce pont, en imaginant plein de choses. Qu'on puisse flâner sur ce pont, et le redonner aux Lausannois", imagine Herbert Stock, coresponsable du Feu solidarité Bessières.

Un projet de vitrer le pont sur toute sa longueur est à l'étude: les travaux pourraient déjà commencer en 2023.

Une rame du Métro M2 passe sous le pont Bessières à Lausanne en novembre 2015, lors du Festival Lausanne Lumières. [Keystone - Laurent Gilleron]
Une rame du Métro M2 passe sous le pont Bessières à Lausanne en novembre 2015, lors du Festival Lausanne Lumières. [Keystone - Laurent Gilleron]

Sujet TV: Léandre Duggan

Adaptation web: Julien Furrer

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