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Les ateliers protégés critiqués pour la rémunération dérisoire des personnes handicapées

Des personnes handicapées sont rémunérées 5 francs par mois dans les ateliers protégés vaudois (vidéo)
Des personnes handicapées sont rémunérées 5 francs par mois dans les ateliers protégés vaudois (vidéo) / Forum / 2 min. / le 20 janvier 2023
Certaines personnes handicapées employées dans des ateliers protégés touchent un "salaire" de 5 francs par mois. Le contrat de travail d'un jeune Vaudois publié sur les réseaux sociaux a suscité une avalanche de réactions. Parallèlement, une initiative pour défendre les droits des personnes handicapées est lancée.

Le contrat en question, publié sur les réseaux sociaux par un journaliste spécialisé en début de semaine, est celui de Nathan, qui fêtera ses 18 ans dans quelques semaines. Souffrant d’un handicap cognitif, le jeune Vaudois a terminé sa scolarité obligatoire l’été dernier.

Au début de l’année, il rejoint l’Espérance, une fondation spécialisée pour personnes handicapées située sur la Côte vaudoise. Dans un des ateliers protégés de l’institution, il y effectue notamment des petits travaux de menuiserie.

Pour cette occupation à plein temps, il reçoit un salaire de 5 francs par mois. Le directeur de la fondation assume ce revenu dérisoire et précise que cette façon de faire est similaire à celle pratiquée dans des institutions comparables à celle de l'Espérance.

Pas de vocation productive

Il rappelle que ce type d’ateliers n’a pas de vocation productive. Ceux-ci visent davantage à occuper les participants, voire à les former (comme dans le cas de Nathan), quand bien même un certain nombre de pièces qu'ils fabriquent sont ensuite vendues sur le marché.

Le directeur de l'Espérance précise par ailleurs que la Fondation est tenue de couvrir les salaires avec son chiffre d’affaires. Elle doit aussi engager des maîtres socioprofessionnels pour épauler les nombreux participants qui ne sont pas autonômes. Le directeur rappelle enfin que les bénéficiaires de sa Fondation perçoivent une rente AI, souvent complétée par des aides sociales.

Or la rente de ces personnes s’avère souvent très faible. Nathan, par exemple, touche à peine 300 francs par mois de l'AI. Selon le dernier contrôle médical qu'il a dû passer, Nathan est considéré comme en capacité quasi-totale de travailler, et donc de subvenir à ses besoins.

Or sa paralysie cérébrale ralentit de manière significative ses facultés à réfléchir, à communiquer, à compter. Et donc à travailler.

Revenu d’insertion

Pour les parents, la découverte du si maigre revenu de leur fils est un coup dur. Contactés par la RTS, ils n'ont pas eu la force de témoigner à l'antenne. La maman a toutefois accepté de réagir par écrit.

"Il est décourageant de penser que dans notre pays, les personnes qui ont besoin d'aide sont beaucoup moins payées que celles qui - à compétences et formation égales - sont considérées comme valides", écrit la maman de Nathan.

"Mon fils n'est pas particulièrement rapide, mais il a beaucoup de compétences créatives et sociales qui sont négligées. Nous sommes profondément préoccupés pour Nathan. C’est une honte que cette situation se passe encore dans notre pays."

Pour tenter de compléter la rente de Nathan, sa mère vient de déposer une demande auprès du revenu d’insertion. Pour elle, c'est un crève-coeur de constater que son fils va entamer sa vie professionnelle dans le dernier filet de l’aide sociale.

"Une situation honteuse"

Interrogée dans Forum, Caroline Hess-Klein, cheffe du Département Égalité d'"Inclusion Handicap", l’Association faîtière des organisation suisses de personnes handicapées, ne décolère pas non plus.

"C'est une situation qui est honteuse. D'autant plus que nous vivons en Suisse, un pays qui a les moyens de se doter d'un système qui permettrait également aux personnes en situation de handicap de pouvoir travailler et de recevoir un salaire qui leur permette de vivre."

Selon elle, le problème est beaucoup plus profond que la rémunération proposée par les ateliers protégés: "Nous n'avons pas affaire ici à un cas isolé, mais à un problème systémique. Nous avons un marché du travail en Suisse qui est pensé et conçu pour les personnes qui répondent à des critères précis, et ces critères ne prennent pas en compte que tout le monde n'a pas les mêmes capacités.

Caroline Hess-Klein poursuit: "Dès qu'on ne remplit pas ces critères, on est transféré dans un marché séparé du travail tel que les ateliers protégés. Et ce marché du travail, il est soutenu par l'Etat." Ces personnes toucheront, précise-t-elle, une rente de l'AI, des prestations complémentaires, et un petit salaire, 5 francs par mois dans le cas de Nathan. Or, tous ces revenus combinés "sont souvent plus bas que les salaires minimaux."

>> L'interview de Caroline Hess-Klein dans Forum:

Sujet radio: Yoan Rithner et Noriane Rapin

Version web: Antoine Schaub

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Lancement d'une initiative pour les droits des personnes en situation de handicap

Dans l'émission Forum, Caroline Hess-Klein, de l’Association faîtière des organisation suisses de personnes handicapées, a annoncé le lancement d'une initiative populaire pour défendre le droit de ces personnes.

"Les organisations de personnes handicapée ont décidé aujourd'hui de lancer une initiative populaire qui a pour but d'inscrire dans la Constitution le droit des personnes en situation de handicap à participer à notre société, par exemple à obtenir le soutien nécessaire s'il s'agit d'exercer un emploi dans le marché du travail ordinaire."

En Suisse, le nombre de personnes vivant avec un handicap est estimé à 1,8 million, soit 20% de la population.