En Suisse, il est possible d'usurper sans risque l'identité d'une ville ou d'un élu sur Instagram
Le média en ligne Watson rappelait cette semaine l'existence d'un compte Instagram frauduleux au nom de Grégoire Junod. Si les photos de lui émanent bien de ses services, ce compte à l'allure officielle n'est pas le sien. Et le problème n'est pas récent: l'élu s’est fait usurper son identité il y a trois ans.
La situation est d'autant plus problématique que le compte semble être utilisé à des fins d'arnaque. "Quelqu'un m’a signalé qu'il y avait des [tentatives] d'arnaques financières qui émanaient de mon compte. Et évidemment, ça c’est plus grave qu'une simple usurpation d’identité", témoigne-t-il dans le 19h30.
L'appât se présente sous la forme d'une proposition de crédits à taux préférentiel envoyée aux followers. Pour l'heure, impossible de savoir combien de personnes sont tombées dans le piège.
Meta aux abonnés absents
Grégoire Junod a tenté à de nombreuses reprises de reprendre le contrôle de son identité, sans succès. "Je n’ai jamais pu créer un compte Instagram. À chaque fois, on m'a rejeté au prétexte que mon identité était frauduleuse... au profit d’un compte qui est lui-même frauduleux!", explique-t-il.
La Municipalité a également tenté des démarches auprès de Meta. Mais malgré de nombreuses sollicitations, la maison-mère d'Instagram n'a pas donné suite, renvoyant inlassablement vers un même formulaire, déplore la responsable de communication de la Ville de Lausanne Amélie Nappey-Barrail, interrogée par Watson. Après les alertes concernant cette arnaque, elle dit toutefois avoir "intensifié" les demandes.
Bientôt un cadre légal
De son côté, le syndic de Lausanne n’a pas pu porter plainte, faute de cadre légal. "Aujourd'hui, l’usurpation d’identité en tant que telle n’est pas punie en Suisse", explique Juliette Ancelle, avocate spécialisée dans les nouvelles technologies. Mais cela devrait évoluer cette année avec l’entrée en vigueur de la nouvelle loi sur la protection des données.
"Dès le mois de septembre, dans le Code pénal, il y aura une disposition qui punit l’usurpation d'identité si vous le faites pour obtenir de l’argent ou escroquer des gens", poursuit-elle.
Phénomène répandu
La commune de Neuchâtel a vécu une mésaventure du même type en septembre dernier. Son compte Instagram a été piraté durant cinq mois. Et là encore, le propriétaire du réseau social n'a pas réagi. "On a immédiatement contacté Meta pour la procédure standard. Malheureusement, on n'a jamais eu de réponse. Suite à ça, le Conseil communal a écrit directement à Meta Zurich, sans réponse non plus", relate le conseiller communal neuchâtelois Didier Boillat.
Dans ce cas-là, c'est finalement un internaute actif dans les nouvelles technologies, qui a pu, par l'intermédiaire d'un contact, débloquer la situation auprès de Meta.
Personne n’est épargné. Mi-décembre 2022, un faux compte au nom du conseiller fédéral Albert Rösti annonçait la mort d'Adolf Ogi. L'usurpation d’identité n'a pas fini de faire des ravages.
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Sujet TV: Claude-Olivier Volluz et Juliette Jeannet
Adaptation web: jop