Vivre en milieu urbain augmente le risque de développer une psychose ou une schizophrénie au cours de sa vie. Ce fait est établi "depuis une centaine d'années", a expliqué mardi dans l'émission Forum de la RTS le chef du Service de psychiatrie générale au CHUV Philippe Conus. "Ce risque est proportionnel au nombre d'années durant lesquelles on habite dans un milieu urbain pendant son enfance", ajoute-t-il.
Le premier volet de l'étude a permis d'explorer la nature de ce stress urbain chez les jeunes patients. "Beaucoup de nos patients, après un premier épisode de psychose, se terrent chez eux pour éviter le stress que génère la ville. Et le stress aggrave les épisodes de psychose."
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L'anxiogénéité de la ville est accentuée par plusieurs éléments: le construit, qui contraint les déplacements, la densité de personnes, ainsi que les flux visuels et sonores interrompus. "Les patients évoquent aussi l'anxiété d'être confrontés à des relations interpersonnelles", indique Philippe Conus.
Et d'ajouter: "A cause de ce stress, les patients se privent d'un milieu enrichissant, d'un accès aux soins et d'interactions sociales dont on a tous besoin."
Réinvestir la ville
Sur la base de ces résultats, il a été décidé de lancer un deuxième projet - mené conjointement par le CHUV, la Haute école de santé La Source et l'Université de Neuchâtel - visant à ce que les patients aient à nouveau accès à la ville. Une "remédiation urbaine" - stratégie thérapeutique visant à faciliter la reconquête de l'espace urbain - a donc été entreprise.
"Avec des géographes, nous allons réfléchir comment diminuer ce stress urbain au lieu d'apprendre à nos patients à lui faire face", explique Philippe Conus. Plusieurs initiatives pourraient être prises, selon le professeur. Il donne l'exemple d'une carte pour éviter certains lieux trop stressants afin de faciliter les déplacements, d''espaces de répit", ou encore la mise en place d'un label pour les cafés.
Pas assez d'espaces verts
Le chef du Service de psychiatrie générale au CHUV reconnaît que le "maillage" des espaces verts n'est actuellement "pas assez dense", alors que la Ville de Lausanne souhaite qu'il y ait moins de cinq minutes à pied entre chaque espace vert.
"Le stress urbain, nous y sommes tous exposés, sauf que les patients souffrant de psychose y sont plus sensibles. Cette sensibilité est une force, mais il y a un revers de la médaille quand ils sont trop soumis au stress", note-t-il. Selon Philippe Conus, la "remédiation urbaine" bénéficiera à toute la population.
Propos recueillis par Renaud Malik/vajo