Les révélations sur la situation fiscale de la conseillère d'Etat Valérie Dittli font réagir
La conseillère d'Etat en charge des Finances n'a finalement installé son domicile fiscal à Lausanne que début 2022, alors qu'elle se lançait dans la course au Conseil d'Etat, montre l'enquête de la RTS. Valérie Dittli avait très brièvement déplacé sa résidence principale à Lausanne en 2021 quand elle était candidate aux élections munipales. Mais au final, les six années précédentes, malgré une vie active dans la capitale vaudoise, notamment comme assistante-doctorante en droit à l'Université de Lausanne (UNIL), elle a continué de payer ses impôts à Zoug, son canton d'origine.
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Interrogée vendredi soir dans l'émission Forum, Valérie Dittli s'est défendue d'avoir pratiqué le tourisme fiscal. Elle a affirmé qu'elle avait toujours considéré, à l'époque, que "son centre de vie" demeurait à Zoug.
Qualifiée de ministre "hors sol"
Malgré ses explications, les critiques n'ont pas tardé à fuser de la part notamment de politiciens de gauche. Le président du Parti socialiste vaudois, Romain Pilloud, a affirmé sur les réseaux sociaux que la situation était "grave" et que le PS posera "toutes les questions pour faire la lumière" sur cette affaire.
Au micro du 12h30 de la RTS, il ajoute: "Madame Dittli a fait des études en droit, donc la question de la fiscalité est probablement bien connue dans le cadre de son cursus. Je ne crois pas qu'il y ait beaucoup d'excuses sur le fait qu'elle ne pouvait pas savoir un certain nombre de choses. Ce qu'on attend maintenant, c'est d'avoir des réponses extrêmement claires de la part du gouvernement et de Madame Dittli".
Sur Twitter également, le chef du groupe PS au Grand Conseil, Jean Tschopp, a évoqué un "malaise". Plus virulente, la conseillère nationale socialiste Ada Marra a qualifié Valérie Dittli de "conseillère d'Etat hors sol", qui "n'aime pas" le canton de Vaud. "Nous ne sommes que théoriques pour elle. (...) Quelle rage."
Une colère partagée par la présidente des Verts vaudois, Alice Genoud, qui explique au micro du 19h30 de la RTS: "je ne veux pas savoir si elle aime ou pas le canton de Vaud, ce n'est pas la question. La vraie question, c’est de se dire que quand on est dans un canton, on paie les impôts dans ce canton. Cela semble juste logique".
"Procès d'intention"?
Le président du Centre Vaud, Emilio Lado, souligne lui que la situation fiscale de Valérie Dittli, du temps où elle était étudiante et pas encore ministre, relève de "la sphère privée". Et d'autant plus qu'elle a toujours payé ses impôts, préférant simplement, "comme de très nombreux étudiants en Suisse", conserver son domicile fiscal dans son canton d'origine, "le temps de stabiliser sa situation professionnelle."
Selon lui, la conseillère d'Etat a toujours joué "la carte de la transparence" et n'a rien à se reprocher. Cette affaire relèverait du procès d'intention. "On sent bien que certains cherchent à instrumentaliser la question pour des motifs politiques", a-t-il remarqué. "Nous ne voyons aucun problème à ce que les étudiants voyagent en Suisse et viennent étudier et s’enrichir chez nous," a -t-il aussi ajouté au micro du 19h30 de la RTS.
Du côté du PLR, Marc-Olivier Buffat, député et ancien président du parti, a également pris la défense de Valérie Dittli. "Les revenus d'une étudiante et doctorante, voire d'une stagiaire sont faibles et aléatoires. Parler d'optimisation fiscale est déplacé", a-t-il écrit sur Twitter.
Un "stage" d'avocate à Berne
Nicolas Suter, le président actuel du PLR Vaud, a défendu au micro du 19h30 la jeune conseillère d'Etat. "Ca ne me met pas mal à l’aise. (...) A partir du moment où sa situation professionnelle s’est stabilisée, elle a déposé ses papiers dans le canton de Vaud, donc il n'y a aucun problème."
Interrogée dans le 12h30, la présidente vaudoise du PLR Florence Betschardt-Narbel avait aussi pris la défense de la ministre du Centre. Le va-et-vient fiscal de la jeune Alémanique ne la dérange pas.
"Si elle voulait être candidate à la municipalité de Lausanne, elle était obligée de se domicilier à Lausanne. Par la suite, elle a été avocate stagiaire à Berne. Elle s'est donc à nouveau rapprochée de ses parents. Il y avait tout à fait une justification à ce qu'elle remette ses papiers à Zoug à ce moment, car elle n'avait pas l'idée d'être candidate au Conseil d'Etat vaudois", explique-t-elle.
Le président de l'UDC Vaud Kevin Grangier reproche lui à la gauche de "s'égosiller inutilement". "Une ministre des Finances qui n'a pas payé un centime d'impôt dans son canton, c'est effectivement cocasse, réagit-il dans Le Matin dimanche, mais je ne constate rien de malveillant de sa part. Et elle a payé ses impôts quelque part".
Interpellation au Grand Conseil
La gauche ne compte pas en rester là. Une interpellation va être déposée au Grand Conseil mardi par les Verts et les socialistes. Légalement, Valérie Dittli ne risque rien, mais quand l'administration fiscale a des doutes sur la réalité d'une résidence secondaire, elle peut tout à fait rouvrir une situation.
Selon ce qu'elle trouve, elle peut demander un rattrapage d'impôts pour les années durant lesquelles le ou la contribuable vivait dans le canton sans y payer d'impôts. Une rétrocession qui est imposée assez régulièrement.
Mais pour qu'une telle enquête puisse avoir lieu, il faudra que Valérie Dittli se voie retirer, au moins provisoirement, la direction de son département, les Finances.
Sujet TV: Carole Pantet
Sujet radio: Sandra Zimmerli
Adaptation web: Julien Furrer avec ats