Faute de places, des personnes ont été laissées dans des cellules normalement dédiées aux arrestations provisoires, soit des séjours ne pouvant pas dépasser 48 heures, comme le définit la loi. Or, la majorité des personnes passées par là y ont été détenues bien plus longtemps, 10 jours en moyenne en 2021.
Cette situation illégale est dénoncée depuis des années par la Commission des visiteurs du Grand Conseil vaudois. "On est vraiment démunis devant cette situation", déplore sa présidente, la PLR Marion Wahlen au micro de La Matinale.
La création des Grands-Marais pas suffisante
Le canton de Vaud a toutefois pris des mesures afin d’améliorer les conditions de détention au sein des zones carcérales, comme l’aménagement de douches chauffées, la distribution d’eau à volonté ou la présence quotidienne de professionnels de santé. Le recours aux bracelets électroniques est aussi plus fréquent. Mais la situation ne s’améliore pas, note la Commission dans son rapport, et la durée de détention dans ces cellules reste contraire à la loi.
Le problème est en effet plus profond et découle, comme le souligne la Commission des visiteurs, d’une surpopulation carcérale. L’établissement du Bois-Mermet par exemple était occupé à 160% en 2021 lors de la visite des députés. "On est dans un constat de surpopulation, c'est vraiment un gros problème et on est mis devant le fait accompli", constate Marion Wahlen.
Certes, la future prison des Grands-Marais devrait voir le jour à Orbe en 2030 en une étape, ce qui est "une bonne nouvelle". Mais ça ne résoudra pas tout, selon elle. "On le voit bien, la prison du Bois-Mermet est saturée depuis des années. Si on devait la rénover, ce qui n'est pas du tout à l'ordre du jour, la prison des Grand-Marais serait complète pour un certain temps. Donc on est sans grande solution, en tout cas pour la détention avant jugement."
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Exception vaudoise
La Commission des visiteurs note d'ailleurs que Vaud est le canton qui a le plus recours à la détention provisoire. Selon les recherches de la RTS, Vaud est aussi le seul canton romand qui connaît ces problèmes de détentions trop longues et illégales en zones carcérales. Même Genève, qui fait aussi face à une surpopulation dans ses prisons, ne dépasse pas la durée légale de 48 heures dans ce type de cellules d’arrestation provisoire. Et certains cantons, comme Fribourg et Jura, ne disposent tout simplement pas de telles zones carcérales.
Daniel Trajilovic, avocat pénaliste à Vevey, a été confronté à maintes reprises à cette situation qu’il qualifie de "commune" dans le canton de Vaud: beaucoup de ses clients sont passés par là. Et si les profils sont variés, certains sont plus susceptibles que d’autres d’y demeurer au-delà du délai légal.
"Comme l'un des motifs de détention est le risque de fuite, une personne de nationalité étrangère aura plus de chance d'être incarcérée. Même chose pour les personnes avec des revenus moins élevés, voire qui sont dans des situations précaires, parce qu'elles n'ont pas les moyens suffisants pour payer une caution ou d'autres mesures similaires."
D'où l'importance, selon lui, d'explorer des pistes pour veiller à ce que d'autres mesures soient prononcées au lieu de la détention provisoire. "Comme le bracelet électronique ou des interdictions de périmètres", avance-t-il. La députée Marion Wahlen évoque aussi l’acquisition d’infrastructures modulables et sécurisées de type Portakabin, ou l’achat de bâtiments qui assurent des conditions d’enfermement dignes.
Une motion, portée par la Commission des visiteurs, sera débattue ce mardi au Grand Conseil. Le texte demande d’en finir définitivement avec cette exception vaudoise sans attendre l’ouverture du nouvel établissement pénitentiaire des Grands-Marais.
Julie Rausis/fgn