"La Municipalité est convaincue de la nécessité d'offrir un accompagnement spécialisé pour permettre aux personnes toxicodépendantes d'améliorer leur état de santé et de réduire leur consommation", a déclaré mercredi devant les médias Emilie Moeschler, municipale en charge des Sports et de la cohésion sociale.
"Quand j'ai commencé ma fonction de municipale, j'ai fait le tour le matin avec une équipe de rue pour ramasser les seringues et le matériel avant le nettoyage par la propreté urbaine de la Ville", raconte mercredi dans Forum Emilie Moeschler.
"C'est très choquant que des consommations puissent avoir lieu dans des espaces publics et des WC. Pour les personnes qui consomment, c'est indigne et inhumain. On doit pouvoir apporter des solutions", argumente l'élue socialiste.
La Riponne plus appropriée
Cette pérennisation et ces nouvelles mesures suivent l'évaluation menée par Unisanté Lausanne, dont le rapport confirme la "pertinence et l'utilité" de l'ECS dans le quartier du Vallon, après un projet-pilote de trois ans. Ouvert le 1er octobre 2018, ce premier espace a vu sa fréquentation augmenter et atteindre aujourd'hui 100 personnes en moyenne par jour. Au total, pour 2022, cela a représenté 23'000 actes de consommation.
Bémol toutefois, cet espace peine à attirer les personnes les plus désinsérées. Pour celles-ci, la distance et le besoin de consommer rapidement représentent des freins importants, a résumé Emilie Moeschler.
Pour se rapprocher de ces personnes, réduire la consommation sauvage et les nuisances, proposer donc une alternative à l'espace public, la Ville a décidé de créer une antenne à la Riponne, haut lieu d'achats, de ventes et de consommation de stupéfiants. Prévu pour octobre prochain, elle offrira quinze places de consommation (injection, inhalation et sniff) sur une surface d'environ 100 m2.
Un lieu sous surveillance
Quatre intervenants sociosanitaires seront présents, avec un agent d'accueil et de sécurité, six jours sur sept, de 15h30 à 21h30. L'ECS de la Riponne viendra compléter celui du Vallon et sa douzaine de places, ouvert tous les jours de 09h30 à 17h30.
L'espace de la Riponne sera "plus basique" que celui du Vallon, dans le sens où il répondra surtout à l'urgence de la consommation. "Il aura un rôle d'antenne de proximité", a souligné Matthieu Rouèche, directeur de la fondation Accueil à bas seuil (ABS) qui gère l'ECS.
Des jobs pour les consommateurs
Un troisième volet de ce nouvel espace consiste à rendre actifs les consommateurs.
"On augmente aussi le nombre de petits jobs offerts aux personnes en situation de consommation: du nettoyage, du ramassage de seringues, des activités de jardinage. Ils sont très importants pour les rendre actifs et diminuer la consommation”, détaille Colin Ballif, responsable du dispositif addiction de la ville de Lausanne.
Tolérance zéro ailleurs
Vu cette nouvelle offre, les autorités lausannoises ont aussi annoncé que plus aucune consommation ne sera désormais tolérée dans l'espace public et les WC.
"Nous visons une situation comparable à celle que connaissent aujourd'hui Berne, Zurich ou Bâle. Nous ne sommes pas encore satisfaits. Une amélioration de la situation à la Riponne et au Tunnel est nécessaire. Certains comportements ne sont pas admissibles sur le domaine public", a expliqué Pierre-Antoine Hildbrand, municipal en charge de la sécurité et de l'économie. La police municipale renforcera sa présence dans six lieux-clés de la capitale vaudoise, de 06h00 à 23h00, a-t-il indiqué.
Le coût annuel et global de la pérennisation et des mesures complémentaires se monte à 1,78 million de francs, financé par le budget de fonctionnement communal. Ce montant comprend la participation de l'Etat de Vaud à hauteur de 40% des frais de fonctionnement de l'ECS du Vallon.
ats/ami
Professionnels de proximité
Le projet-pilote de la Riponne, sur deux ans, va par ailleurs s'accompagner d'une nouvelle équipe sociale de rue, rattachée à la Ville. Elle travaillera en étroite collaboration avec la police municipale dès le mois d'août prochain.
Recommandé également par Unisanté, son rôle sera de tisser des liens avec les personnes toxicodépendantes et les inciter à fréquenter l'ECS et son antenne ainsi que de prévenir les incivilités liées aux problèmes de consommation dans l'espace public. Présente six jours par semaine, cette équipe de quatre personnes sera aussi à l'écoute des questions, des doléances ou craintes des riverains et plus généralement de la population.
Un audit sur de potentiels dysfonctionnements
Après la publication d'articles de presse faisant mention de potentiels dysfonctionnements à l'ECS de la fondation ABS, la Ville de Lausanne et le Conseil de fondation, associés au Canton de Vaud, avaient annoncé il y a une année vouloir procéder à une analyse de la situation. Un prestataire indépendant a été chargé d'entendre l'ensemble du personnel et d'établir un état des lieux des conditions et du climat de travail.
Interrogé sur cette question, Emilie Moeschler a répondu que les conclusions de l'audit étaient "rassurantes" et qu'elles n'avaient "pas soulevé de problèmes particuliers".