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Le report des travaux à la gare de Lausanne notamment dû à "un risque létal" pour les usagers

Temps présent - Gare de Lausanne, chronique d’un fiasco fédéral. [RTS]
Gare de Lausanne, chronique d’un fiasco fédéral / Temps présent / 48 min. / le 11 mai 2023
Certaines parties des plans de modernisation de la gare de Lausanne ont été sévèrement critiquées par l'Office fédéral des transports (OFT). L'un des futurs quais conçus par les CFF présentait notamment un risque pour les voyageurs "d’être entraînés par le train qui démarre, avec une forte probabilité", selon des documents obtenus par Temps Présent. C'est l'une des raisons du report du chantier.

Des documents inédits obtenus par l’émission Temps Présent, diffusée jeudi soir, révèlent les coulisses d’une décision qui a choqué la Suisse romande: le report à 2037 de la fin des chantiers de la gare de Lausanne. L’OFT y reproche notamment aux CFF de mettre en danger la vie des usagers.

Petit rappel, il faut moderniser la gare de Lausanne non seulement pour l’entier du réseau CFF, mais aussi pour le développement économique de la Suisse romande. Cela fait bientôt 60 ans qu’aucune transformation majeure n’a été réalisée pour mettre à jour ce nœud ferroviaire. Sa rénovation est prévue dans le cadre du gigantesque programme de développement ferroviaire Léman 2030, qui vise à doubler la capacité en places assises dans les trains entre Genève et Lausanne.

La gare de Lausanne est bloquée entre le bâtiment historique des voyageurs et une ligne d’immeubles d’habitation. [Keystone - Valentin Flauraud]
La gare de Lausanne est bloquée entre le bâtiment historique des voyageurs et une ligne d’immeubles d’habitation. [Keystone - Valentin Flauraud]

Plusieurs chantiers à proximité de la gare sont en cours ou déjà terminés, comme la quatrième voie entre Renens et Lausanne, mais les grands travaux dans et sous la gare n’ont toujours pas débuté. Initialement, les CFF prévoyaient d’y commencer les travaux en 2017, avec une fin prévue en 2025.

Un chantier d'une rare complexité

Le chantier est d’une rare complexité, car la gare est très étroite: au nord, elle est bloquée par le bâtiment historique des voyageurs et au sud, par une ligne d’immeubles d’habitation.

Du coup, impossible de faire des quais répondant aux normes de sécurité – en général, il faut des quais "entre 13 et 15 mètres de large", selon le directeur des CFF Vincent Ducrot. Or, pour permettre à des trains plus longs de s’arrêter à Lausanne, il faut absolument rallonger et élargir les quais.

"Selon les normes, les quais doivent faire 13,50 mètres de large", explique Peter Füglistaler, directeur de l'Office fédéral des transports. "Si on insistait sur ce point, on ne pourrait pas construire la gare de Lausanne. Nous sommes bien entendu prêts à réduire la largeur des quais, mais il y a une limite à ce que nous pouvons admettre. Si le risque augmente trop, nous ne pouvons pas donner notre autorisation."

"Conception déficiente"

Et c’est ce qu’il s’est passé, avec une autorisation de construire partielle, délivrée le 27 octobre 2022 par l’OFT. Dans le jargon fédéral, on appelle cela une décision d’approbation des plans (DAP) qui concerne dans ce cas la sécurité des flux de passagers. Dans ce document, on apprend que sur l’un des futurs quais de la gare, tels que conçus par les CFF, il existera un risque "qui exprime le danger pour les voyageurs qui attendent de quitter le quai d’être entraînés par le train qui démarre, ceci avec une forte probabilité". L’OFT écrit que "ce risque n’est pas acceptable", et qu’il est lié à une "conception déficiente" du quai en question.

Généralement, des prises de position, des autorisations, c’est très technique. Là on a quand même des adjectifs comme 'létal' dans une autorisation. (...) C'est fort

Yannick Parvex, ingénieur civil indépendant spécialisé dans le ferroviaire

Plus loin, on lit aussi que selon l’Office fédéral des transports, "les CFF préfèrent prendre un risque létal (pénétration durable des voyageurs du quai surchargé dans la zone de danger, voire chute sur la voie, au moment de l’entrée du deuxième train sur la voie concernée) plutôt qu’un risque d’exploitation (dérèglement de l’horaire). Cette argumentation est insoutenable."

Des mots "durs"

Selon Yannick Parvex, ingénieur civil indépendant spécialisé dans le ferroviaire, "ces mots sont durs". "Généralement, des prises de position, des autorisations, c’est très technique. Là on a quand même des adjectifs comme 'létal' dans une autorisation. On n'est pas sur des remarques de cotes manquantes ou de détails ... c’est fort."

Le directeur des CFF Vincent Ducrot admet que l’analyse des risques faites par les CFF diverge de celle de l’OFT et que, "comme c’est l’autorité qui délivre l’autorisation de construire, on va s’améliorer".

Pour Olivier Français, conseiller aux Etats vaudois et grand spécialiste du rail romand, "le fait qu’il y ait une conclusion aussi dure à l'égard des CFF remet en cause complètement le projet. Et cela remet en cause tout simplement la viabilité de la gare au-delà de 2035. Ce qui est étonnant, c’est qu’on ne le constate que maintenant."

>> Lire aussi : Le nouveau retard du chantier de la gare de Lausanne agace les politiciens

Le résultat est connu depuis la conférence de presse conjointe CFF/OFT du 17 mars dernier. Les CFF doivent reprendre une partie énorme de leur projet – par exemple, ils doivent refaire plus de 1000 plans rien que pour la plateforme ferroviaire, un travail estimé à deux ans et demi. L’OFT prévoit un an pour les examiner. Au final, l’ensemble du projet de modernisation de la gare devrait voir le jour au plus tôt en 2037.

>> Lire aussi : La gare de Lausanne pas prête avant 2037, la Ville et le canton consternés

Françoise Weilhammer/Philippe Mach

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Mauvaise entente entre les CFF et l'OFT

Cette DAP et d’autres documents obtenus par Temps Présent dénotent par ailleurs la mauvaise entente entre les deux entités fédérales – les CFF et l’Office fédéral des transports – tous deux chapeautés par le Département fédéral des transports (Detec).

Ce problème de collaboration n’a été traité que très tardivement par la conseillère fédérale en charge du Detec à l’époque, Simonetta Sommaruga, c’est-à-dire une fois le report annoncé, mi-octobre dernier. Une mésentente qui n'est pas très rassurante pour l'avenir du chantier.