Une gare souterraine et un pôle en trois axes pour le futur hub de Lausanne, plaide un expert
L'agrandissement de la gare de Lausanne est l'un des chantiers du siècle en Suisse romande. Mais pour l'heure, il est surtout synonyme de reports et de frustrations. Jeudi, l'émission Temps Présent de la RTS révélait que les travaux avaient dû être retardés en raison d'un risque majeur pour la sécurité des voyageurs.
>> Lire : Le report des travaux à la gare de Lausanne notamment dû à "un risque létal" pour les usagers
Vendredi, sur les ondes du journal de 12h30, la conseillère d'Etat vaudoise Nuria Gorrite, en charge des Transports, a plaidé pour le lancement d'un autre chantier, celui d'une gare souterraine. "Il faut que la Confédération donne les moyens pour élaborer un projet qui soit nettement plus ambitieux, et qui planifie une extension souterraine pour l'horizon 2050."
Plateforme ferroviaire non extensible
L'avenir du rail suisse passe-t-il donc désormais par des gares en sous-sol, à l'instar de celle de Zurich, et des projets en cours dans les gares de Genève et Lucerne? "Je pense que ce serait une chose extrêmement importante pour Lausanne", estime Michele Mossi, ingénieur spécialisé en sécurité ferroviaire, mandaté par les CFF sur le projet des travaux de modernisation de la gare de Lausanne, dans l'émission Forum vendredi.
On a besoin d'accueillir de nouveaux trains, de nouveaux voyageurs, de pouvoir créer des voies supplémentaires pour accueillir les trains dont on aura besoin jusqu'en 2100.
Il n'est en effet plus possible aujourd'hui d'élargir la plateforme de la gare ferroviaire en surface, on ne peut plus raser une allée de bâtiments supplémentaires, explique l'expert. "Or, on a besoin d'accueillir de nouveaux trains, de nouveaux voyageurs, de pouvoir créer des voies supplémentaires pour accueillir les trains dont on aura besoin en 2040, 2050, et jusqu'à l'horizon 2010."
"Il est important d'avoir un 'hub' à Lausanne, qui connecte Lausanne-CFF au Flon, deuxième point du réseau d'accès ferroviaire pour l'ensemble de la ville de Lausanne", expose Michele Mossi. Au-delà de ces deux noeuds, le spécialiste préconise d'intégrer également à cette réflexion la gare de Renens, comme troisième point névralgique du "hub". "Nous devons avoir un pôle avec trois axes: Lausanne CFF, Lausanne Flon et Lausanne Renens."
Creuser la colline du Flon
Renens et l'ouest lausannois représentent 60% de la population de Lausanne, avec un pôle de 80'000 habitants, de nombreuses entreprises, une connexion au métro M1 et au futur tram, souligne Michele Mossi. "Nous devons étaler le trafic sur plusieurs pôles, parce qu'un réseau de transport n'est plus dimensionnable uniquement sur la gare CFF de Lausanne."
Une extension souterraine de la gare ne se situerait pas forcément sous la gare actuelle, précise Michele Mossi. "Sur le noeud de Lausanne, on doit créer un hub entre le Flon et la gare CFF actuelle, distants de seulement 250 mètres, et nous devons distribuer les voyageurs dans cette région. Il serait donc important que cette gare souterraine soit placée là, sous la colline du Flon, et qu'ils puissent ensuite se diriger dans les directions d'Oron, Fribourg, Berne."
Nous ne sommes pas en train de réaliser un nouveau projet uniquement pour Lausanne et sa gare. On est en train de définir le réseau de transports du Plateau suisse, pour les cent prochaines années.
Cela rapprocherait le sous-sol lausannois de villes telles que Paris où, à Châtelet-les-Halles, "il y a divers centres de change intermodal, où des tapis roulants permettent aux voyageurs de se déplacer d'une ligne de métro ou RER à une autre, avec des mélanges de flux qui viennent de différents modes de transport", décrit l'ingénieur.
Aujourd'hui, le coût du chantier de la gare de Lausanne, tout comme celui de la gare de Genève, se situe autour de 1 à 1,5 milliard de francs. "Celui de la gare de Zurich était plus élevé d'un milliard", note le spécialiste. "Nous ne sommes pas en train de réaliser un nouveau projet uniquement pour Lausanne et sa gare. On est en train de définir le réseau de transports du Plateau suisse pour les cent prochaines années. Et pour cela, on a besoin d'ambition, de projets durables", plaide Michele Mossi.
Propos recueillis par Renaud Malik
Adaptation web: Katharina Kubicek
Lisa Mazzone : La goutte de "trop"
Interrogée dans le 19h30 de la RTS vendredi, Lisa Mazzone, conseillère aux Etats genevoise membre de la commission des transports, déplore les dernières révélations sur le chantier de la gare de Lausanne. "Ça fait plus que beaucoup, ça fait trop et c'est un très mauvais signal pour le rail. Au moment où les usagères et les usagers ont envie de prendre le train. (…) Entre l'augmentation du prix, les horaires et puis là, les fiascos autour de la gare de Lausanne, ça fait trop."
Alors que la gare de Zurich a été rénovée trois fois, la Genevoise se demande si Berne se préoccupe de la Suisse romande. "On paye un manque d'ambition généralisé à se dire que l'on va faire le projet à moyen terme. En fait, au moment où le projet devrait être inauguré, on est complètement dépassé. Il faut changer de taille et de vision en s'attaquant à de vrais projets pour l'avenir qui durent. Il faut aussi mettre les moyens pour ça et je pense que la Suisse romande a démontré qu'elle voulait prendre le train mais nos partenaires de Berne devraient peut-être s'y rendre pour s'en rendre compte."