Un plongeur-photographe cartographie les épaves, dont l'Hirondelle du Léman

Le ciel est gris et la température du Léman est encore fraîche en ce mois de mai. A La Tour-de-Peilz (VD), au lieu-dit La Becque, Gatien Cosendey et ses amis s'équipent: combinaisons étanches, chaussons, cagoules en néoprène, masques et, bien sûr, leurs bouteilles d'oxygène.

Ils s'apprêtent à descendre entre 40 et 60 mètres de profondeur, où l'épave de l'Hirondelle repose depuis 1862. Un coin connu des plongeurs du lac. "C'est la seule grande épave du Léman qui est accessible en plongée scaphandre", explique Gatien Cosendey lundi dans le 19h30 de la RTS.

Fleuron du Léman

Retour en arrière: au milieu du XIXe siècle, la Compagnie générale de navigation n'existe pas encore. En août 1855, le premier vapeur du Léman entièrement construit en Suisse, l'Hirondelle, est lancé en grande pompe à Ouchy. Ce nouveau fleuron du lac est "extrêmement gracieux par la forme de sa coque et particulièrement remarquable dans l'harmonie de ses proportions", écrit le Nouvelliste vaudois, le 30 août 1855.

Mais sa carrière sera de courte durée. Le 10 juin 1862, en voulant éviter une barque, il touche des hauts fonds au large de La Tour-de-Peilz et s'échoue. Tous les passagers sont sains et saufs, la marchandise et le mobilier peuvent être sauvés. Malgré plusieurs tentatives de renflouage, l'Hirondelle sombre définitivement lors d'une tempête.

Plongée difficile

Depuis plus de 150 ans, l'épave est posée à plus de 40 mètres dans le lac. Pour la voir, il faut être un plongeur aguerri. A cette profondeur, la température est froide et la visibilité est quasi nulle.

C'est dans ces conditions que Gatien Cosendey, plongeur et photographe, a réalisé une quinzaine de plongées entre janvier et avril 2023. Son but? Immortaliser le navire sous tous ses angles pour le recréer en 3D.

Un modèle 3D

Chez lui, à Châtel-St-Denis (FR), Gatien Cosendey montre comment ses plus de 3200 photos ont permis de modéliser l'épave grâce à la photogrammétrie. Comme la visibilité est très faible dans le lac, "on ne voit jamais l'épave en entier sous l'eau", explique le plongeur, en observant la maquette qu'il a imprimée.

L'Hirondelle by gatien.cosendey on Sketchfab

Gatien Cosendey n'en est pas à son coup d'essai. Il a déjà modélisé l'empennage d'un Hunter, un avion de chasse de l'armée suisse, tombé dans le lac de Neuchâtel en 1979 ou les figurines immergées dans l'étang du Duzillet.

À l'origine de son projet, le défi technologique et l'envie de partager ce qu'il voit sous l'eau. Pour l'épave de l'Hirondelle s'ajoute une dimension de sauvegarde patrimoniale. "On ne la voit presque plus, elle est complètement recouverte de moules et de vase", décrit Gatien Cosendey. Aujourd'hui, grâce à la technologie, on peut imaginer un peu mieux à quoi ressemblait l'Hirondelle, qui fit la fierté du Léman.

Léandre Duggan