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Vaud lance sa croisade contre la vente d'alcool et de tabac aux mineurs

Le canton de Vaud durcit le ton face à la vente de tabac et d'alcool aux mineurs: interview de Rebecca Ruiz
Le canton de Vaud durcit le ton face à la vente de tabac et d'alcool aux mineurs: interview de Rebecca Ruiz / Forum / 5 min. / le 15 mai 2023
Les points de vente proposant de l'alcool et du tabac seront testés durant quatre ans dans le canton de Vaud. Objectif: voir s'ils vendent ou non leurs produits à des mineurs et, le cas échéant, les sanctionner.

De tels achats-tests ont déjà été menés dans le canton par des acteurs de la prévention à l'instar de la Fondation vaudoise contre l'alcoolisme. Leurs campagnes se limitaient toutefois à de la sensibilisation.

Désormais, à la suite d'un changement de base légale, des sanctions seront également possibles. C'est en effet le Conseil d'Etat qui pilote pour la première fois une telle campagne, en collaboration avec la police du commerce.

"Cela fait du canton de Vaud un précurseur dans le domaine", a indiqué lundi devant la presse Isabelle Moret, conseillère d'Etat en charge de l'Economie. Pour sa collègue en charge de la Santé, Rebecca Ruiz, l'objectif consiste à "protéger nos jeunes" des méfaits liés à l'alcool et au tabac.

Les deux conseillères d'Etat ont souligné "l'efficacité" des campagnes d'achats-tests, surtout si elles sont répétées, pour "responsabiliser les acteurs de la vente" et "sensibiliser l'opinion publique", à commencer par les parents.

"On voit qu'en répétant ce type d'achats-tests, ça a un effet. Les vagues d'achats-tests qui ont été faites dans les années précédentes ont montré que d'une vague à l'autre, la vente aux jeunes diminue - elle reste cependant beaucoup trop importante, et c'est pour ça qu'on le refait", a expliqué Rebecca Ruiz dans l'émission Forum de la RTS lundi.

Informer puis sanctionner

Une "première vague" démarrera "dans les semaines qui viennent", a précisé Frédéric Rérat, le chef de la police du commerce. Sur les 5000 points de vente potentiels du canton, 400 ont été sélectionnés via un échantillonnage aléatoire et feront l'objet d'une visite durant l'année en cours.

Cette première vague ne sera pas répressive: chaque point de vente recevra un courrier de la police du commerce pour l'aviser de l'issue de l'achat-test et lui rappeler ses devoirs.

Une deuxième vague aura ensuite lieu et débouchera sur des sanctions en cas de récidive, a ajouté Frédéric Rérat. Les sanctions pourront être administratives, comme l'interdiction de vendre de l'alcool ou du tabac, ou donner lieu à des ordonnances pénales et des amendes, selon les cas. Cette appréciation "devra être faite en toute proportionnalité par la police cantonale du commerce", selon Rebecca Ruiz.

"Mesures de prévention structurelles"

Mais Rebecca Ruiz nuance tout de même sur un point. "Évidement que pour le jeune qui est déterminé à se procurer son paquet de cigarettes et sa bouteille de vodka, ce n'est pas le fait qu'il se voie refuser dans un établissement qui va l'empêcher d'aller dans un autre".

"Ce que l'on sait en revanche, c'est que dans le domaine de la prévention, avec des mesures de prévention structurelles, en mettant un certain nombre de barrages et d'empêchements, cela a un effet. Et puis ça a surtout l'effet de permettre que ces établissements respectent la loi et l'appliquent."

"Achats-tests avec des mineurs"

"Ce qui est innovant, ajoute la conseillère d'Etat socialiste, c'est que ces achats-tests se feront avec des mineurs (14-17 ans), ce qui n'était pas le cas de manière aussi 'accompagnée' jusqu'à maintenant. Deux mineurs se rendront, accompagnés de loin d'un adulte, jouer les clients mystères, et tenteront d'acheter du tabac ou de l'alcool alors qu'ils n'ont pas l'âge."

En effet, une vingtaine de personnes, dont onze mineurs, ont été engagées et formées pour mener cette campagne qui se déploiera jusqu'en 2026. L'analyse scientifique des données sera ensuite assurée par Addiction Suisse. "Ce qui est aussi novateur, (...) c'est l'ampleur de cette campagne: quatre ans, avec un nombre important d'établissements qui seront contrôlés", confirme encore Rebecca Ruiz dans l'émission Forum.

Cette campagne coûtera 140'000 francs pour le volet tabac, 153'000 francs pour celui lié à l'alcool. Ces montants sont financés par la dîme, la taxe prélevée sur l'alcool par la Confédération et versée en partie aux cantons.

Isabelle Moret et Rebecca Ruiz ont reconnu que l'achat d'alcool et de tabac par des jeunes passait aussi de plus en plus par internet. Sur ce plan toutefois, l'action d'un seul canton ne semble pas suffisante. "Il faudrait une coordination au niveau fédéral", a estimé Isabelle Moret.

>> Lire à ce sujet : Les experts en addictions mettent en garde contre le "Far West" sur le web

Propos recueillis par Cynthia Gani

Julien Furrer avec ats

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