La commune de Gryon, sur les hauteurs du Chablais vaudois, fait office de pionnière en matière de piscines naturelles. La station s'est lancée en 2018 en creusant deux bassins au milieu du pâturage de Frience. Le site a été baptisé "l'espace récréatif de Frience". Sur place, peu de constructions, juste quelques tables en bois pour pique-niquer et un petit kiosque.
Eric Chabloz, municipal à Gryon depuis 20 ans, est à l'origine du projet. "L'objectif était d'offrir des possibilités de loisirs aux personnes qui sont en résidence secondaire à Gryon", explique-t-il. "À part la marche et le vélo, il y avait peu d'activités à faire en été." L'opération a coûté deux millions de francs, avec l'aide financière du canton de Vaud.
Une eau sans apport
L'eau des bassins provient des excédents des sources d'eau potable de la commune. La différence avec une piscine classique réside dans le système d'épuration naturel. "L'eau passe dans une zone où il y a des plantes, des roseaux", explique Eric Chabloz. "L'eau est filtrée dans les différentes couches de ce biotope, et elle est ensuite repompée et réinjectée dans les bassins. C'est donc une eau sans apport de produit quelconque".
Développer le tourisme 4 saisons, c'est le seul avenir possible, sinon nos stations vont dépérir.
Grâce à ce principe sans chimie, Eric Chabloz constate que la faune s'est développée autour des bassins de Frience : "Il y a beaucoup de grenouilles au printemps, on a aussi vu des canards il y a quelques jours".
Public au rendez-vous
L'affluence à "l'espace récréatif de Frience" va bien au-delà des espérances. Lors des belles journées d'été, on compte jusqu'à 500 baigneurs. La fréquentation en résidence secondaire à Gryon en période estivale a même bondi de 20% ces dernières années.
Revers de la médaille, cette hausse du tourisme a pour effet d'augmenter le trafic sur les routes. Une conséquence qui conduit la commune de Gryon à repenser son réseau de transports publics et la mobilité douce. Gérer la mobilité est un défi à relever, selon Eric Chabloz, pour qui "développer le tourisme 4 saisons est le seul avenir possible. Ce développement estival est primordial, sinon nos stations vont dépérir."
Des projets à creuser
Aux Mosses (VD), on mise également sur ces zones de baignade. La station souffre régulièrement du manque de neige. Une piscine naturelle de plus de 2000 mètres carrés est prévue. Le projet a obtenu le soutien financier du canton de Vaud et les travaux pourraient débuter cet été.
L'eau devient une ressource de plus en plus rare et il faut l'utiliser avec parcimonie. Il faut s'assurer qu'il n'y ait pas de conflit avec une autre utilisation possible de l'eau.
La commune de Bex (VD) rêve aussi d'avoir sa piscine naturelle. Début mai, le Conseil communal a chargé l'Exécutif d'étudier la faisabilité du projet, avec l'espoir d'un coup de pouce financier du canton. L'Etat de Vaud vient d'ailleurs de soumettre au Grand Conseil un crédit cadre de 50 millions de francs pour soutenir le tourisme durable.
Une gestion intégrée
Mais cette nouvelle offre de piscines naturelles correspond-elle à la définition du "tourisme durable"? Selon Christophe Clivaz, professeur de tourisme à l'Université de Lausanne et conseiller national vert valaisan, il faut analyser les projets au cas par cas, avec une réflexion multi-usage de ces bassins.
"L'eau devient une ressource de plus en plus rare et il faut l'utiliser avec parcimonie. Il faut donc s'assurer qu'il n'y ait pas de conflit avec une autre utilisation possible par exemple pour l'irrigation, pour l'eau potable ou pour la lutte contre le feu", prévient Christophe Clivaz.
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Avoir une gestion intégrée de l'eau sera le défi de ces nouvelles infrastructures qui, selon les professionnels du tourisme, risquent de fleurir dans de nombreuses stations de montagne.
Sujet radio: Martine Clerc en collaboration avec Julie Rausis
Adaptation web: Thibaut Clémence