Il est reproché à la société basée à Ecublens (VD) d'avoir utilisé de faux "prix barrés" lors de ses promotions. Des prix censés montrer le tarif d'un article avant le rabais mais qui, en réalité, n'auraient jamais été pratiqués. Le groupe aurait aussi parfois indiqué des comparaisons de prix avec la concurrence qui, elles aussi, ne correspondaient pas à la réalité.
Suspendu en décembre dernier, le procès de Conforama Suisse a repris lundi matin à Lausanne.
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C'est la Fédération romande des consommateurs (FRC) qui, à l'issue d'une vaste enquête, a dénoncé cette pratique et porté plainte en avril 2019. Le Ministère public vaudois s'est ensuite emparé de l'affaire, menant ses propres relevés, pour arriver à la conclusion "d'une triche systématique" sur "la totalité ou la quasi-totalité" des promotions de Conforama, a affirmé lundi le procureur Stephan Johner.
Se référant à plusieurs exemples - son acte d'accusation liste près de 100 promotions prises au hasard -, il a dénoncé une "violation crasse et flagrante" des normes en matière d'affichage des prix.
Le discounter a certes le droit de se démarquer avec ses promotions, sauf qu'il s'agit ici "de mensonges", de comparaisons "trompeuses" réalisées "avec des prix fantaisistes", a-t-il dit. Tant la concurrence que les consommateurs ont été "lésés", a-t-il ajouté.
Une sanction inédite
Dans la foulée, le conseil juridique de la FRC Jean Tschopp a insisté sur le caractère "intentionnel" des pratiques de Conforama et "des irrégularités qui ont persisté" durant plusieurs années. Le groupe était "conscient de ses manquements et il s'en est accommodé", a-t-il affirmé.
Pour le Ministère public, Conforama doit être reconnu coupable d'infraction à la loi fédérale sur la concurrence déloyale. Le procureur a réclamé une sanction "qui fasse mal" à l'entreprise "mais sans la mettre en danger".
Se basant sur le résultat opérationnel de la chaîne de magasins, il a estimé qu'une amende minimale de 1,5 million de francs devait s'appliquer, à laquelle il fallait ajouter une créance compensatrice, pour le préjudice subi, de 1,5 million également.
Cette sanction, qui serait inédite en Suisse pour une telle affaire, doit "mettre fin aux dérapages" et "envoyer le message que tout n'est pas permis" en matière de promotions, a affirmé Jean Tschopp.
Des "bugs" informatiques
Du côté de la défense, les avocats de Conforama ont plaidé l'acquittement. Clara Poglia et Michaël Jakubowski ont critiqué "l'approche simpliste" du Ministère public, lorsqu'il affirme que l'entreprise a mis en place "un système intentionnel et généralisé" pour tromper le consommateur.
Selon eux, il n'y a jamais eu "d'instructions" de la part des dirigeants de Conforama pour afficher de telles comparaisons de prix. Si des erreurs ont pu se produire, elles seraient dues à des "bugs" et un système informatique dépassé qui a été changé depuis et qui ne permet plus "les ressaisies manuelles" qui auraient occasionné ces rabais.
Les avocats de la défense ont également jugé que l'échantillon présenté par le procureur dans son acte d'accusation n'était pas "sérieux", en comparaison du nombre d'articles vendus par Conforama. Ils ont encore critiqué l'amende et la créance compensatrice exigées par le procureur, des montants jugés "arbitraires" et "trouvés au bol".
Verdict en fin de semaine
Interrogé lundi matin, le représentant de Conforama Suisse, l'un des membres de sa direction, a aussi assuré qu'il n'y avait jamais eu "tricherie ou tromperie". Lui aussi a parlé d'un système informatique "vieillot" qui a pu occasionner des "erreurs humaines" dans la gestion des promotions.
Les réponses du directeur de la chaîne de magasins ont souvent suscité "l'incompréhension" de la part de la présidente du Tribunal qui, à plusieurs reprises, l'a prié de s'expliquer plus "clairement" sur les faits reprochés.
La présidente du tribunal, qui avait initialement prévu une lecture de jugement mercredi, a finalement renoncé en raison de "la complexité" de l'affaire. Elle transmettra son dispositif aux parties "d'ici la fin de la semaine".
ats/lan/iar
La "quasi-totalité" des rabais concernés
Dans l'acte d'accusation, près de cent cas sont énumérés pour tous types d'articles. Le premier de la liste est un frigo dont le prix a oscillé entre 699 et 799 francs entre juillet 2018 et avril 2019. L'action, ou fausse action selon la FRC et le Ministère public, était à chaque fois accompagnée d'un prix barré de 1099 francs.
La pratique incriminée remonterait en tout cas à juin 2018. Elle aurait été appliquée dans tout le pays, la chaîne d'origine française comptant une quinzaine de filiales en Suisse.
"La totalité ou la quasi-totalité" des actions seraient concernées, tant dans les magasins, sur internet ou dans les catalogues.