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Avant le procès de six policiers lausannois, la femme de Mike dénonce un "meurtre raciste"

Bridget, la compagne de Mike. [RTS]
Avant le procès de six policiers lausannois, la femme de Mike dénonce un "meurtre raciste" / La Matinale / 4 min. / le 9 juin 2023
Six policiers lausannois seront jugés lundi pour homicide par négligence après la mort de Mike, un Nigérian de 39 ans, en 2018. A l’approche du procès, la compagne de la victime se confie au Pôle Enquête de la RTS. 

Elle s’appelle Bridget et elle était l’épouse de Mike Ben Peter, un Nigérian mort en 2018 à Lausanne après un contrôle de police. La RTS l'a rencontrée le 3 juin dans la capitale vaudoise. Elle venait de manifester avec quelque 250 personnes pour dénoncer "les violences policières et le racisme d’Etat".

"Mike était mon mari, un père, un bon père. Il prenait toujours soin de sa famille", confie-t-elle. "C’est pour ça que je suis là aujourd’hui. Pour me battre pour la justice. Je veux que la justice triomphe. Il y a trop de meurtres racistes. Tout le monde en a marre. Je suis fatiguée. Ils ont tué mon mari et je sais que rien ne pourra le faire revenir. Mes enfants réclament leur père. Qu’est-ce que je peux leur répondre ?"

"Ils n’ont pas passé un seul jour en prison"

Bridget était enceinte de leur troisième enfant lorsque Mike a perdu la vie. A l’approche du procès, elle est partagée entre la tristesse et la colère. "Cela fait maintenant cinq ans que ces six policiers ont tué mon mari. Mais ils n’ont toujours pas été jugés. Ils n’ont même pas passé un seul jour en prison, ils sont toujours libres. En fin de journée, ils retournent chez eux, avec leurs enfants, ils sont heureux. Mais ils n’imaginent pas toute la douleur que ressent ma famille."

Ils n’ont même pas passé un seul jour en prison, ils sont toujours libres. En fin de journée, ils retournent chez eux, avec leurs enfants, ils sont heureux

Bridget, la compagne de Mike

Lors de la discussion, Bridget évoque plusieurs fois "un meurtre raciste". Un sentiment partagé par l’ensemble des manifestants. Ils rappellent que quatre hommes, noirs, sont morts dans le canton de Vaud entre 2016 et 2021 après avoir été en contact avec la police.

Mais à ce jour, il est important de le rappeler, un seul procès a eu lieu et le Tribunal fédéral a estimé que le policier mis en cause se trouvait dans une situation de légitime défense lorsqu’il a décidé de tirer sur la victime. L’agent a ainsi été acquitté.

>> Lire à ce sujet : Un policier blanchi par le Tribunal fédéral pour son tir mortel à Bex

"Il s’est débattu en gesticulant"

Dans l’affaire qui sera jugée à partir de lundi, le Ministère public retient l’homicide par négligence à l’encontre de six policiers lausannois. Le drame s'est joué le 28 février 2018, vers 22h30. Un policier patrouille dans la rue dans le cadre de la lutte contre le trafic de drogue. Il repère Mike Ben Peter qui se penche près d’une voiture et ramasse un sachet plastique.

Selon l’acte d’accusation, l’agent lui demande de lui montrer le sachet et le saisit par le bras. C’est à cet instant que la situation aurait dégénéré. "Mike Ben Peter s’est débarrassé du sachet puis s’est débattu en gesticulant", écrit le procureur.

Le policier lui donne alors plusieurs coups de genou dans les testicules et lui gicle du spray au poivre au visage. Mike se retrouve au sol, mais il continue de se débattre, toujours selon l’acte d’accusation.

Il paraissait inconscient

Des policiers arrivent en renfort, ils sont six, en tout, pour le neutraliser. Mike est maintenu face contre terre pendant plusieurs minutes, les mains menottées dans le dos. Soudain, il ne bouge plus. "Les policiers ont remarqué que Mike Ben Peter cessait de se débattre et paraissait inconscient (...) Ils ont constaté qu’il était en arrêt respiratoire. Ils l'ont retourné sur le dos et ont commencé un massage cardiaque", lit-on dans l'acte d'accusation. Une ambulance arrive, Mike est admis au CHUV et son décès est constaté le lendemain matin.

Pour Simon Ntah, avocat de la famille de Mike, les violences policières ont conduit au décès de la victime. "A aucun moment, Mike n'a recouru à la violence. Il n'a jamais frappé la police. Il n'a jamais mis en danger la police. Mais il a reçu de nombreux coups. Il a été mis à terre, on l'a projeté au sol, on l'a frappé, on l'a maintenu au sol et il est décédé. La question posée est la suivante: est-ce que les violences policières ont, oui ou non, eu pour conséquence, le décès de Mike? La réponse est oui."

Une manifestation à Lausanne demandant la justice pour Mike. [RTS]
Une manifestation à Lausanne demandant la justice pour Mike. [RTS]

Pratique controversée

Avocat du premier policier à être intervenu, Christian Favre livre un autre son de cloche. "Les six policiers n’ont fait que leur travail et rien d'autre. Ils ont interpelé une personne fortement soupçonnée de se livrer à un trafic de stupéfiants. Tous les rapports d'expertise dont nous disposons disent de manière claire que le décès de cette personne n'est pas en relation avec l’intervention des policiers proprement dite."

Selon l'acte d’accusation, l'arrêt cardio-respiratoire "résulte de causes multifactorielles": l'obésité, car Mike pesait plus de 110 kilos; des troubles du rythme cardiaque; une situation de stress; le tout en association avec la position de plaquage ventral, soit une technique d’immobilisation face contre terre.

Les six policiers n’ont fait que leur travail et rien d’autre

L'avocat d'un des policiers

Cette pratique controversée est interdite dans plusieurs villes aux Etats-Unis, mais elle est autorisée en Suisse. Pour le procureur, "les prévenus étaient conscients du risque vital associé au maintien en position ventral", mais "ils ne sont pas intervenus afin de faire cesser le maintien de la victime dans cette position". C'est notamment pour cela que le magistrat retient la négligence à l'encontre des policiers.

Pour Me Simon Ntah, rien ne justifiait de garder Mike dans cette position. "Ce qui est enseigné en Suisse, c’est que cette pratique doit être utilisée avec précaution. Et dès lors qu'elle n’est pas absolument nécessaire, il faut déplacer la personne pour qu'elle puisse retrouver ses esprits. Or, ici, on a maintenu Mike au sol alors qu’il ne présentait plus de danger. On l'a laissé au sol pendant plusieurs minutes jusqu'à ce qu'il décède. C'est une disproportion évidente."

Me Christian Favre évoque pour sa part une technique d'intervention qui a été utilisée "de façon proportionnée". "Si la durée d'intervention des policiers peut paraître longue parce qu'elle s’exprime en minutes, c’est en relation avec la résistance de la personne interpelée qui s’est débattue très fortement jusqu'au bout."

Les avocats ont des avis diamétralement opposés. Quant au procureur, il poursuit donc les agents pour homicide par négligence, une infraction qui pourrait leur valoir jusqu'à trois ans de prison.

>> Revoir aussi le sujet du 19h30 en juin 2020 sur les méthodes d'immobilisation au sol :

Les méthodes d'immobilisation au sol exercées par la police font polémique.
Les méthodes d'immobilisation au sol exercées par la police font polémique. / 19h30 / 2 min. / le 4 juin 2020

>> Lire aussi : Manifestation à Lausanne avant le procès de policiers impliqués dans la mort d'un suspect

Fabiano Citroni/boi

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